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Acéphalopolis

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Panlogue du calife de Bagdad Haroun Al Rachid

Sphère – septième ciel – mana – l’union de l’homme avec les forces divines de l’au-delà – sont le crime suprême contre quoi se liguent toutes les propagandes. Je pus le vérifier dans le bureau Ovale, où l’on eût plutôt soupçonné d’espionnage le président nègre qu’un mannequin mésopotamien. Ces maîtres du Golem humain pouvaient-ils imaginer qu’un être hybride, ni homme ni chose, ni vivant ni mort, se faisait un plaisir d’enregistrer leurs dires pour le siècle suivant ? Dans l’entre-soi du millième de l’humanité disposant de la moitié de son patrimoine, il n’est guère de cachotteries. Pour la crème de cette élite, ce sont secrets de famille que les détails du plan Kissinger ayant fait exterminer, sur le modèle nazi, l’intelligentsia marxiste en Amérique latine, en Afrique et en Asie, grâce à l’expertise militaire israélienne. C’est ainsi qu’ils rappelaient en blaguant la déclaration d’Henri Ford : « Ni les Alliés ni l’Axe ne doivent gagner la guerre. Les USA vont fournir aux deux  les moyens de se battre jusqu’à ce que tous deux s’effondrent » ; ou de Harry Truman : « Si l’Allemagne gagne, nous aidons la Russie, et si la Russie gagne nous aidons l’Allemagne, afin qu’il en disparaisse un maximum de chaque côté ». Aussi s’amusaient-ils du nouveau Front de l’Est contre la Russie de Poutine...

Pour Hitler, les Slaves étaient des sous-hommes. La servilité, face à leurs maîtres occidentaux, des Polonais comme des Ukrainiens de l’Ouest, s’exprimait par un plaisant déni de slavité. Les affaires suivaient leur cours logique : BHL pouvait en attester, qui se glorifiait du fait que les Nouveaux Philosophes aient, non moins que James Bond ou Jean-Paul II, permis de livrer le monde aux chefs de guerre… « Nous gagnerons grâce à des forces dont on ne sait rien, des opérations dont on ne verra rien, des méthodes qu’on préférera ne pas connaître », ai-je entendu dire par le directeur exécutif de la CIA peu après mon arrivée à Washington. Le globe étant devenu champ de bataille aux ordres du Dieu des Armées, s’étalaient dans le bureau Ovale des pièces rares issues comme moi du pillage de Bagdad. Une tablette en argile contenait le premier texte de loi de l’histoire de l’humanité, Ils en riaient autant que des lions et taureaux ailés évalués en millions de dollars…


Un grand silence noir déploie son voile sur Jérusalem en Atlantide. L’acteur en scène devine sous lui l’abîme sans visage des origines, puis il regarde le plafond de la voûte céleste avec ses nuages et ses anges. La force tellurique ne se représente pas, quand la puissance cosmique génère une pléthore de créations imaginales. Si figurent des monstres au sein du peuple des statues, ces chimères ailées métamorphosent les énergies naturelles en œuvres de culture. Mais le chaos n’a guère de langage pour se dire. Le propre de l’homme n’est-il pas de contempler les nuages ? Une enfance africaine me fit apercevoir l’importance du truchement des images taillées dans la matière pour unir ciel et terre. Lier l’organique au symbolique. Par le troisième œil se médiatisent vie et mort, jour et nuit, réalités et fictions. Quel coup de force que celui de tribus au désert, pour faire de l’absence de représentation le signe de l’Être et non du néant ! Mystification sans égale, si ces clans n’avaient usage, pour nommer la divinité, que de termes partagés avec les autres sémites comme la racine El, ou Adonaï, ou Rabbi, puisant ensuite ailleurs pour tirer Yahvé de Jovis ou Jupiter selon l’hypothèse de Freud, et que la seule façon d’affirmer leur identité fut de décréter imprononçable un nom divin fixé dans le tétragramme YHWH, qui ne faisait que voiler de mystère ce dieu des volcans Yahvé-Jupiter. Créer une idole universelle autorisant le pouvoir temporel à se revendiquer de l’Eternel : tel fut l’attentat conceptuel de la monolâtrie judaïque !... L’orage au-dessus du monde n’a cessé de s’intensifier toute la nuit. Je vois encore les sentinelles en armes voltiger dans leur singulier ballet sur la muraille du Temple. Elles sont d’essence divine et ont mission de sacraliser l’espace terrestre dévolu à Yahvé. Leur danse est nimbée d’une grâce inaccessible à la race inférieure, enracinée dans la glèbe depuis Caïn. Malédiction sur les paysans, de Canaan à Tamaroute ! Le peuple élu danse à la cime de l’humanité, mû par une spiritualité dont les mystères s’illuminent par la Kabbale. Sous lui rampe le monstre du tohu-bohu, traqué par des mitrailleuses postées sur le mur du Temple. Partisans et maquisards de l’ombre seront toujours des terroristes. Il s’en cachera demain sous la soutane du pape, lors de son pèlerinage au Saint Sépulcre. Le même jour ont lieu des élections en Europe et en Ukraine. Les Boches de Kiev ne sont guère allemands, si Panoptic n’a d’oreilles que pour offrir les mots de Poutine et de Merkel à Kapitotal.


Jouer avec Shéhérazade les fascine au point que son regard détraque leurs parties de poker menteur. Je prête mon personnage à leur théâtre pour mieux m’assurer de leur figuration dans le mien. Mais il faut s’y jeter comme on plonge dans l’abîme. De partout et de nulle part je suis, donc j’ai ma place en ce sommet de l’humanité qu’est un village berbère de montagne, aussi bien que dans les bas-fonds interlopes où se croisent les pires pègres du monde comme cette Maison Blanche à Washington… On ne sait rien de la vie si l’on n’a pas fréquenté les repères de la plus vile turpitude, où le crime parade une fleur morale à la boutonnière. Ce bureau Ovale ressemble à la projection sur écran d’une fête somptueuse et factice. Et c’est une mise en abyme de plus que cet écran plasma sur le mur, où les services de la NSA projettent en temps réel des images de Poutine et d’Angela Merkel, tandis que l’on entend l’échange qu’ils ont en russe au téléphone. Le traducteur d’Obama paraît embarrassé par les rires échangés, lorsqu’ils évoquent le prince Charles d’Angleterre ayant comparé Poutine à Hitler. La famille royale d’Albion, comme sa gentry, n’étaient-ils pas favorables aux nazis ? La conversation roule sur les élections en Ukraine, où le roi du chewing-gum et du chocolat ne promet pas moins que de centupler les salaires, assurant son gibier qu’il dispose d’une seule cartouche : tirez sur Poutine en votant pour moi !... Des images au mur illustrent ce discours où l’on reconnaît, aux côtés du milliardaire levant le poing gonflé comme un ballon prêt à exploser, la silhouette filiforme de BHL. Toussotements dans le bureau Ovale, alors qu’un télescopage d’images montre deux jeunes Palestiniens abattus à bout portant par la soldatesque de Jérusalem, le ministre Liebermann affirmant aussitôt qu’il s’agit d’un complot génocidaire, l’armée d’Israël étant la plus morale du monde. Il se fait qu’est présent dans le bureau Naftali Bennet, star de la politique israélienne comme fondateur du parti La Maison juive et sémillant ministre des Services religieux, de l’Industrie, du Commerce et du Travail. Il se renverse dans son siège, tous les yeux tournés vers lui. « J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie, c’est vrai, mais il n’y a aucun mal à cela… », souffle-t-il dans une bouffée de cigare. « Ne sommes-nous pas le seul rempart occidental contre la barbarie d’Orient ? »


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