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––––
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L’Astrolabe

Chaque jour doit se mériter l’honneur d’être né, quand aucune logique n’explique le miracle de se réveiller en vie chaque matin. N’est-ce pas le privilège de qui mène une existence entière hors toute structure ? Cet exotisme a des obligations qu’ignore le titulaire d’une place légitime sur le navire social. Escalader les haubans jusqu’au mat de vigie, glisser dans les cales, cambrioler quelque cabine de luxe, usurper sa couchette au milieu des cordages ou dans les canots de sauvetage, grappiller au bar une ration d’alcool, éprouver la destruction des passerelles entre soutes et pont des premières classes avant de plonger vers une île à l’invitation des mouettes, afin d’y recueillir le chant des sirènes, offre une juste idée de ce qui se trame sur le paquebot de la société bourgeoise.

A condition que l’Œil imaginal vous ait doté le regard d’un astrolabe.

Que l’on arrime son ancre aux nuages ou que l’on patauge entre deux eaux parmi les cadavres de naufragés n’ayant plus même un radeau pour espérer, vous garantit la responsabilité d’une vision globale échappant à tous les instruments techniques de l’équipage comme de sa capitainerie. Si nul ne doute plus du fait qu’une pandémie de troubles mentaux d’un type nouveau s’est répandue sur la surface du globe, avec des effets plus délétères que les pathologies répertoriées par les experts, ceux-ci tardent à définir le mal. On n’en entend pas moins, de décennie en décennie, l’amirauté d’une civilisation proclamer l’urgence d’une « guerre du Bien contre le Mal ». Des populations sont mises en quarantaine au prétexte d’un Livre où grouilleraient les germes du fléau, mais un silence bavard persiste quant à la définition de ce dernier. Bien plus, ne voit-on pas ces amirautés s’acoquiner avec les émirs (ce mot-là vient de celui-ci) ayant pleine autorité sur les lieux saints où jadis a jailli le Livre (donc le Mal) ? On peine d’autant plus à suivre le raisonnement des amirautés, prêchant au nom du libéralisme, qu’elles ont de toutes pièces fabriqué le pouvoir despotique de ces émirs. Or, chacun sait que l’épidémie mortifère n’a propagé ses hécatombes qu’à la faveur d’une action concertée des émirs et de l’amirauté. D’où, en saine raison, la question : d’où vient le fléau ?

 Président Trump et le Roi Salmane

Voici sur une affiche le portrait de deux truands notoires, chefs de gangs disposant d’une capacité de nuisance planétaire presque sans égale. S’agit-il de malfaiteurs dont la tête serait mise à prix ? Pas du tout, la photo s’affiche à la une de tous les journaux et magazines, et proclame l’union sacrée du plus puissant amiral et du plus célèbre émir du monde. La réclame dit en arabe : « el äzem ioujmäna », ce qui requiert l’usage de l’argot pour une équivalence de sens en français : « la gnaque nous unit ». Quelque chose comme une irrésistible volonté de vaincre l‘adversaire. On comprend que celui-ci, c’est le Mal. En anglais, la formule dit : « Together we prevail ». Ensemble nous l’emportons. Qui est ce « nous », s’il est évident qu’il englobe davantage que les deux figures illustrant le cliché s’étalant sur les murs de Riyad : celles du président Trump et du roi Salman ? Les passagers du navire sont obligés de comprendre qu’ils font tous partie de ce « nous », puisque le roi d’Arabie saoudite est leur allié depuis plus de 70 ans. C’est sur un bâtiment de guerre que le deal fut conclu. Mais la Péninsule arabique n’a-t-elle pas armé et financé le fléau, de connivence avec l’Amérique, donc avec le monde occidental ? Chut ! Les juteux contrats d’armements sont en cours : 300 milliards ! Aussi le Conseil de Coopération du Golfe, club des pétromonarques de la péninsule, où trône en bonne place le complice du Qatar, en parfaite connivence avec Jérusalem, où le président Trump est attendu demain, (lui qui reçut la veille à Washington le sultan ottoman), est-il réuni pour examiner la principale question à l’ordre du jour. Les services de sécurité de l’Axe du Bien ont détecté dans la logosphère un virus menaçant le système nerveux du camp démocratique. Amen est le nom du virus. Un opuscule bafouant tous les codes admis par la bienséance littéraire, où se trouvent mises en scène avec un étrange réalisme les autorités précitées. D’inexplicables fuites à propos de l’enquête concernant l’acte perpétré sur le tarmac de l’aéroport n’ont pas tardé à révéler des faits troublants. C’est ainsi que la publication litigieuse (Amen) anticipait le scénario des premiers rendez-vous au sommet du président Trump. Une hypothèse ne put alors manquer de surgir : que l’agenda de ce dernier fût dicté par une puissance ennemie (la Russie), elle-même à l’origine de cet Amen… On vit divulguer partout les informations les moins autorisées à circuler.

Malgré ses différends avec le FBI, le président fut convaincu d’être trop bien renseigné sur les méthodes secrètes utilisées par des services ayant recours aux scandales publics (on évoquait l’exemple des Femen, ou des Pussy Riots), procédés naguère prônés par l’avant-garde situationniste. N’était-ce pas du situationnisme appliqué que le transfert de l’Atlantique vers la péninsule arabique, signifié par son intégration dans l’OTAN ? En voilà de la construction de situation !, glosait une presse admirative, n’hésitant pas à révéler que, sur l’une et l’autre rives de l’Atlantique, l’avait emporté qui fut le plus situationniste. En 24 heures, le mot était à la mode. Obscur noyau de l’idéologie contemporaine, il désignait une aptitude à la subversion des formes du capitalisme, à la transgression des codes, à la rupture avec structures et médiations traditionnelles (partis, syndicats, institutions) : cette surenchère aventureuse dans les postulats de la modernité faisait triompher les impulsions rebelles de la subjectivité affranchie. Le « ça » prévalait sur le « surmoi », l’instinct sur la vieille morale. Tout ce qui était organisé devait être désintégré, la dérégulation devenait seule règle. Si l’Axe du Mal était à l’origine du virus frappant le monde occidental en sa province moyen-orientale, celle-ci répliquait par une salve inaugurant en Arabie saoudite les prochaines commémorations du cinquantenaire de Mai 68. On s’explosait, on s’éclatait, ça déchirait : le djihadisme islamique lui-même n’appliquait-il pas les leçons de l’avant-garde ? On fit venir Cohn-Bendit pour accompagner Trump au Mur des Lamentations, sur lequel son graffiti « Jouir sans entraves » ouvrit plus de perspectives pour la paix que tous les discours inscrits au programme. Et le sommet de l’Alliance atlantique à Bruxelles, puis le rendez-vous du G7 en Sicile, furent autant d’occasions de créer des situations.

C’est la vision de l’Œil imaginal dans son astrolabe, quand un torpillage du navire social somme les naufragés de restituer jusqu’aux débris de leurs esquifs, afin de renflouer les destroyers n’ayant d’autre objectif que de les protéger contre des sinistres ayant pour seule cause l’Axe du Mal. Mais une vision peut-elle se prétendre globale, si elle exclut la voyance d’un théorème ? Voici donc celui du Fiston des Fistons de Tonton…

Le fiston des fistons de Tonton

Tonton et ses fistons sont promis à un pitoyable destin dans l’inexorable mémoire de l’Histoire. Un sort encore pire sera réservé au fiston des fistons de Tonton : foi de Shakespeare et de Karl Marx !

Il aura fallu plus d’un quart de siècle pour qu’accède au pouvoir suprême ce ludion produit par le marché du désir, propre au capitalisme de la séduction, dont j’avais brossé le portrait sous les traits de Jimmy Package dans Pleine lune sur l’existence du jeune bougre. (cfr. Hector Bianciotti, Le Monde 28 septembre 1990.)

Il est vrai que j’aurais hésité à lui faire publier un livre intitulé Révolution. Sans doute est-ce la raison pour laquelle mon roman demeure introuvable, tout autant que les six chants de la sirène du fleuve Congo Mamiwata, qui lui assurait une digne suite africaine. (cfr. Hector Bianciotti, Le Monde 16 décembre 1994.)

Des laïus comparables à ceux prononcés par le nouveau président de la République y étaient tenus, lors de cérémonies plus emblématiques encore que celles offertes par l’actualité, sur le toit de la tour Panoptic à Bruxelles. Il est non moins vrai que, le temps ayant exercé son apostolat, l’avatar de ce personnage illustrant la noblesse, l’héroïsme et la sainteté de notre temps se trouve non plus être un fiston, mais un fiston des fistons de Tonton.

Je ne doute guère plus du fait que mes petites-filles patienteront au moins durant un autre bon quart de siècle avant que ces ouvrages puissent avoir droit de cité, vers l’an 2045. (Le centenaire d’Hiroshima sera peut-être la plus propice occasion d’une révolution congolaise de la Fraternité, qui ne manquera pas de rappeler au monde l’origine de l’uranium ayant décidé de l’issue de la Guerre froide. L’écart de temps avec la révolution russe de l’Egalité correspondra au délai – 128 ans – séparant Octobre 1917 de Juillet 1789, quand surprit noblesse et clergé la révolution française de la Liberté.)

Quant au cycle de l’aède homérique – un poète communiste grec – ayant prolongé cette aventure au long cours, les petites-filles de mes petites-filles découvriront au mieux la Confession d’un homme en trop un siècle plus tard. (cfr. Hector Bianciotti, Le Monde 11 février 2000.)

 Le Président Macron au Louvre

Nul n’a la patience des spectres pour franchir les âges, et c’est de spectralité qu’il s’agit dans l’itinéraire d’Emmanuel Macron comme dans mes romans. Ceux-ci postulent une relation profonde entre notre époque et l’histoire narrée par Shakespeare dans Hamlet. L’ombre du roi mort hante les temps modernes avec une insistance n’ayant d’égale que les vains efforts mis à l’occulter. Le paroxysme de cette occultation coïncide avec une caricature du canevas de la pièce évoquant l’assassinat du monarque par trahison de son frère. Claudius usurpe le trône et met dans sa couche la reine Gertrude, comme François Mitterrand tue le général de Gaulle pour s’emparer de la République, en copiant si bien le scénario qu’il sera baptisé Tonton. Son jeu d’acteur est décisif. Empruntant moins aux procédés du théâtre qu’à ceux du cinéma, il doit la longévité de son règne, et le succès persistant de son imposture, à l’exceptionnelle habileté mise dans l’art baroque de l’illusion. La Société du Spectacle de Guy Debord lui tint lieu de bréviaire, mouture actualisée du Prince de Machiavel. Ainsi Mai 68 et Mai 81 dessinèrent-ils ce que j’ai nommé une « structure contre-révolutionnaire de la social-démocratie libertaire ». L’oncle, à la différence du père, ne paraît pas incarner une forme de pouvoir autoritaire : ses innombrables dupes ne s’en sont pas encore aperçu. Ce que la « droite » classique n’eût imaginé pour tromper le peuple afin de le mater, duplicités et faux-semblants de la « gauche » mitterrandienne l’osèrent avec une absence de scrupules fidèle au modèle de tonton Claudius. Ainsi se déploya la génération des fistons de Tonton. Révolution, Commune et Résistance ayant laissé des traces dans les esprits d’un tel pays, quelle ruse plus efficace que ce triple drapeau pour opérer une contre-révolution versaillaise au service de l’Occupant yankee ? François Mitterrand ferait usage du leurre socialiste comme d’une muleta pour abuser l’électorat populaire en lui fichant dans l’échine une succession de banderilles – dont il ne s’est jamais relevé. Les gouvernements Mauroy, Bérégovoy, Fabius et Jospin mirent plus de zèle que les partis représentant officiellement la bourgeoisie, pour faire tituber puis mordre la poussière à l’animal prolétarien. Première loi favorisant la spéculation financière, c’est eux. Déréglementation généralisée, baisse des salaires comme de la fiscalité sur le capital, privatisations : les fistons de Tonton furent à la manœuvre. En attendant l’estocade, que laisse deviner une lame dissimulée sous la cape et qui frappera bientôt par ordonnances. Car Macron, digne héritier des aînés, doit encore faire ses preuves comme fiston des fistons de Tonton.

La fière devise républicaine est certes plus que jamais brodée sur le drapeau tricolore, dans les replis duquel est soustraite aux regards l’épée fatale. Mais nul n’ignore le sens nouveau qu’ont pris ces mots dans la langue du pouvoir : Productivité, Rentabilité, Compétitivité. Car « there is no alternative », comme on le sait depuis Margaret Thatcher. En pure logique enseignée par Aristote, cette élimination radicale d’un possible autre définit la nécessité. C’est-à-dire : ce qui ne peut pas ne pas être, ce qui ne peut être différent, ce dont le contraire n’est pas possible. Ou encore : ce qui ne peut connaître de contradiction. Nous y sommes. Et l’on voit quotidiennement des bataillons d’idéologues asséner aux troupeaux de citoyens, toujours en s’inspirant (mais sans jamais le dire) de la théorie d’Aristote, que les lois de l’économie ne peuvent être transgressées, qu’elles sont donc toujours vraies indépendamment de l’expérience. En corollaire (si l’on accepte de suivre le raisonnement du Stagirite, selon qui la réalité est constituée de rapports), le rapport social unissant/opposant capital et force de travail concède à celle-ci la valeur exclusive d’une contingence. A savoir : ce qui peut être et ne pas être. Autrement dit, la question posée par Hamlet quatre siècles avant l’apparition publique d’Emmanuel Macron.

Que nous dit ce dernier ? Le résumé des chapitres précédents (ceux écrits par Tonton puis par ses fistons) mais en plus clair, donc en plus embrouillé. S’adressant à cette contingence qu’est la force de travail au nom de cette nécessité qu’est le capital, guidé par son maître, le fiston de Tonton Jacques Attali, son discours nous dit en substance : « Vous qui ne disposez pas du patrimoine ou des très hauts diplômes requis pour appartenir à la race élue, vous êtes ce qu’on nomme en économie du capital variable, qui se traite comme toutes les autres marchandises en fonction des exigences du capital ». Autrement dit : rigueur et vertu budgétaires accompagneront licence et gabegies financières ; austérité publique, vices privés ; rigidité monétaire, flexibilité des prolétaires. Pour être encore plus clair : la force de travail, ce capital variable, sera flexible à mesure que sera rigide ce travail mort qu’est le capital. J’écris ceci bien sûr en souriant car il s’agit, vous l’avez tous compris, de la substance et non de l’apparence de son discours. Il fallait donc, pour engendrer l’actuelle unanime euphorie, sans équivalent depuis Tonton lui-même, surpasser en illusionnisme les fistons de Tonton...

(Pour dissiper tout malentendu, la « rigidité » monétaire, comme celle du capital évoquées plus haut, ne doit pas s’entendre au pied de la lettre, même s’il faut hélas le faire pour la « flexibilité » de la force de travail. Il va de soi que le capital est nomade et tout ce qu’il y a de plus volatil dans ses tours et détours, mais doté au plan symbolique d’une rigidité cadavérique.) Cette parenthèse nous ramène à la mort, principe dont usa comme pas deux ce vieux renard de Tonton, qui ne savait sans doute pas lui-même à quel point il obéissait aux schémas de Shakespeare. La mort ? Eh oui ! Pas seulement celle du vieil Hamlet, mais aussi celle promise par l’usurier Shylock dans le Marchand de Venise – là, le fiston de Tonton Jacques Attali dut redoubler de prudence pour ne pas risquer de mettre le feu aux poudres de Rothschild, passage qu’il croyait obligé pour parfaire l’initiation de son propre fiston. Car c’est comme rapporteur de la Commission Attali, en 2008, que le bébé Macron fut jeté dans le bain. Ce qui permit au fiston du fiston d’apprendre comment le capitalisme sacrifie les bébés pour écouler les eaux usées d’un bain passablement contaminé. Cette aimable Commission, sous Sarkozy, édicta 316 oukases imposant une dérégulation de l’économie dans le sens exigé par Kapitotal. Il était ordonné que ces diktats aient vigueur « pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités ». De telles injonctions confirmaient l’abolition de la démocratie entamée par le coup monétaire de Nixon en 1971, puis formulée par Thatcher en 1979. Ces dates marquent l’apparition de la pathologie schizonoïaque, affectant toute gouvernance occidentale puis mondiale depuis la destruction programmée de l’Union soviétique. Cette affection psychique universelle caractérise l’actuelle situation, qui combine toutes les catégories politiques énumérées par le divin Platon dans sa République : aristocratique, timocratique, oligarchique, démocratique et tyrannique…

Si l’un des plus vieux fistons de Tonton, commissaire européen aux affaires économiques et financières, peut aujourd’hui même, au nom du drapeau de la Commune, appeler le parti socialiste à soutenir la politique versaillaise qu’au gouvernail de la France mènera son fiston Macron, ce bond du délire schizonoïaque n’aurait pu se concevoir sans une surenchère dans l’art du double langage et de la duplicité que lui enseigna Tonton. L’on doit donc, « à gauche » comme « à droite », continuer de feindre une opposition, tout en apportant son soutien tacite au gouvernement. Pareille occultation des contradictions réelles est digne du Dix-huit Brumaire de Louis Bonaparte.

L’examen qu’appelle un tel stratagème requiert l’éclairage de Shakespeare non moins que celui de Marx. J’ai signalé l’année 1971. C’est précisément celle ayant vu le serial killer décoré par Vichy Mitterrand (qui, ministre de la Justice, envoya sous la guillotine une cinquantaine de militants du FLN en Algérie), vouant une haine mortelle au général de Gaulle, fonder le parti socialiste au Congrès d’Epinay, pour bientôt s’emparer de « la gauche ». Cette manœuvre fut rendue possible par les effluves contestataires de Mai 68 (match non officiel entre Debord et de Gaulle), et leur conséquence que fut la mort du général Hamlet. Alors, seulement, Nixon put commettre son coup du monde bousculant le système issu des accords de Bretton-Woods, et Tonton se poser en champion des opprimés. Très vite serait votée la loi Rothschild (1973), plaçant les finances de l’Etat sous la coupe de l’usurier Shylock. La dette publique – alors nulle – prenait un envol aux perspectives stratosphériques. C’est ce cycle politique, ouvert en 1971, que clôt Macron pour en ouvrir un autre. Il fallait donc à l’impétrant faire ses gammes dans la banque Rothschild (en négociant pour Nestlé l’achat d’un concurrent sur le marché du lait en poudre, grave cause de mortalité des bébés en Afrique). Un tel parfum de mort flotte sur les élections présidentielles au pays de la Révolution, de la Commune et de la Résistance, qu’aucun artifice ne devait y être épargné pour maquiller ces miasmes en odeur de vie et de renouveau. C’est à pareille ruse – d’une manière, certes, moins raffinée – qu’avait déjà recouru Tonton, quand il eut l’habileté de lancer le produit Bernard Tapie. Sans doute est-il depuis longtemps périmé. Mais qui pouvait alors déjouer l’illusion d’un gadget allant jusqu’à truffer son manifeste intitulé Gagner, de citations empruntées à La Société du Spectacle de Guy Debord ? Et qui sait que le plumitif ayant servi de nègre pour cette opération – un certain Bercoff – serait aussi l’auteur sous pseudonyme d’un faux pamphlet dans la veine situationniste, commandé par Tonton, dont assumerait la paternité médiatique l’un des plus valeureux fistons de Tonton : François Hollande ? Le marécage des manipulations et mystifications de masse n’a pas de fond, dont les moyens coïncident avec le but : égarer le fleuve de l’Histoire. Ainsi la fusée traçante entrepreneuriale « ni gauche ni droite » Bernard Tapie, préfigurait-elle au gouvernement de Tonton l’actuel macronisme, invention des fistons de Tonton vouée à promouvoir l’oxymore d’un Tapie honnête... 

Le client de passage qui entrerait dans la boutique de l’Elysée nouvellement ravalée de la façade, n’y verrait que du feu. Un feu de tous les dieux du panthéon judéo-chrétien. De la belle ouvrage ! Voici la môme Badinter à son échoppe, patronne milliardaire de l’agence Publicis et théoricienne de l’islamophobie, qui vitupère les porteuses de voiles en gérant par contrat l’image publique de l’Arabie saoudite. Ne lui demandez pas les raisons d’une contradiction si ouvertement schizonoïaque : elle vous répondra qu’elle préfère se retirer à la campagne pour méditer la philosophie des Lumières. Cela tombe bien : son voisin Le Drian tient l’étal du milliardaire Dassault. L’un et l’autre ont en partage tous les petits secrets du terrorisme international. Quoi de plus utile pour écouler à la douzaine des cargaisons de Rafale ? Aussi celui qui fut ministre de la Guerre dans le gouvernement précédent, vient-il d’être nommé ministre des Affaires étrangères. De part et d’autre de cet étal œuvrant en première ligne pour l’Axe du Bien – ne pas les mettre ensemble, ces deux-ci – fanfaronnent en faisant l’article pour leurs produits de grand luxe les milliardaires Arnault et Pinault. Tiens, qui passe en coup de vent ? Le milliardaire Drahi, première fortune d’Israël. Endetté à hauteur de 50 milliards, il dispose de la confiance des banques pour s’offrir bientôt le marché des télécommunications grecques. Voici ses amis les milliardaires Lagardère et Bolloré, qui travaillent dans le même rayon. Le conseiller d’Arnault pour arrangements fiscaux du mécénat rôde à proximité. Faites construire un musée d’un milliard à l’enseigne de votre marque, c’est l’Etat qui paie ! On a toujours besoin d’un Védrine pour ce genre de combine. Il connaît tout le monde : grand sage au-dessus de la mêlée, ce fut un efficace adjoint de Tonton pour les affaires africaines. Vous ne vous rappelez pas le Rwanda ? Son collègue de Grossouvre y a bien laissé quelques plumes, eh oui, mais Védrine est toujours d’attaque. C’est lui qui a planché sur le chapitre international du Révolution de Macron. Si l’on parle des livres, BHL, Minc et Attali sont nécessairement dans le coin. Mais non, on les signale à l’entrepôt, rédigeant les factures des stocks. L’ensemble de ce dream team – tenez-vous bien – possède rien moins que l’opinion de la France. Tous les journaux, magazines, radios et chaînes de télé leur appartiennent. Ni gauche ni droite, c’est leur bébé. L’idée du millénaire n’était-elle pas digne de ce soviet des milliardaires ? La boutique de l’Elysée, c’est donc chez eux. Même si l’on voit très peu les deux véritables propriétaires des lieux depuis Napoléon, David et Edmond.

 Nestlé en Afrique

Vous savez que ce dernier a lancé le fiston des fistons de Tonton, grâce au lait en poudre Nestlé déversé sur l’Afrique en avalant son concurrent Pfizer. Combien de millions de bébés jetés par accoutumance à la chimie, quand ils ne sont plus nourris au sein maternel ? Cette question n’intéresse pas l’opinion. Quand on pense comment fut jeté en pâture d’une certaine presse le patronyme des deux frères ! N’a-t-on pas même laissé filtrer que la dette publique, c’était eux ? Mais oui, la loi votée sous Pompidou. Les croyances vont avec les créances. Rappelez-vous le Programme commun de la gauche en 1981. Fut-il question d’abroger la loi Rothschild ? Fortiche, le Tonton ! Quelques strapontins ministériels ont suffi pour amadouer les cocos. Quand leurs quatre agents de Moscou paradaient pour les caméras sur le perron de l’Elysée, pénétrait par une porte dérobée le conseiller de Reagan George Bush, venu s’assurer que tout était OK. Voulez-vous dire que l’on nage en plein Balzac, en plein Zola, le Second empire et tout ça ? Bien pire que ça ! Rappelez-vous Warren Buffett : « La lutte des classes existe, nous l’avons gagnée ». Un cycle est donc achevé. Tonton puis ses fistons ont fait du bon boulot. La question qui se pose au fiston des fistons est tout autre. Puisque la formule de Thatcher s’impose désormais, comment changer ce fatum en l’apparence de son contraire ? Il faut vendre la nécessité comme un absolu du possible ! L’héritier de Claudius devra s’exclamer : « Je suis Hamlet ! » Le fantôme du roi mort, qui hante la société moderne, à lui de l’assumer. Tous les attributs de la transcendance disparue, ce sera le fiston. Jusqu’à faire sienne la phrase de Marx : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, il s’agit de le transformer ». C’est à cela qu’a servi le soviet de la dream team, lors de ses conciliabules à l’Elysée durant le quinquennat du dernier fiston de Tonton. Shakespeare et Karl Marx au service du CAC 40 ! La social-démocratie libérale, devenue libéralisme social-démocrate, opère une « révolution » à l’intérieur des rapports existants, qui les renforce au lieu de les renverser. De même, un « dépassement » des clivages existants prétend renforcer le pôle dominant jusqu’à l’écrasement de l’adversaire. L’Histoire est lisible par sa narration, dans une multiplicité d’histoires. Il y eut celles de Tonton, puis de ses fistons. Vous entendez aujourd’hui celle du fiston des fistons de Tonton. Mais le Spectre a-t-il dit son dernier mot ?

Anatole Atlas, 25 mai 2017

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