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MOHAMMED

 Football sur une plage du Maroc

Que se passerait-il en Belgique si la mer du Nord dégorgeait un cadavre, le jour d’un sommet de l’OTAN ? Après le gros titre, ce fait divers serait traité sur les écrans comme tout échouage d’un phoque ou d’un cachalot. Celui-ci paraît avoir une trentaine d’années. Beau visage émacié, corps malingre, slip de bain misérable. Je l’appellerai Mohammed. Où fut-il avalé pour être ici craché par la marée ? L’ivoire de la peau laisse penser à un séjour de plusieurs heures entre deux eaux. Cérémonie brève, digne, une femme donne son foulard noir pour lui couvrir la tête et le visage, d’autres mains tendent une serviette rouge pour le corps, et il est emporté par quatre bras sur un brancard de fortune. La scène a lieu 3000 km. au sud de Blankenberghe. Ici, la mort fait partie de la vie comme la vie n’a pas son terme dans la mort. Je rendais mes dévotions à la mer océane en sifflotant Comme à Ostende quand j’ai vu le petit attroupement. Toute l’humanité condensée dans quelques personnes, avec une intensité qui nous rendait tous familiers de ce mort. Il est certain qu’on ne parlera pas de lui à la télévision. Mais sa présence était si forte, sur cette plage, qu’elle ne requérait pas ce genre de représentation. Mohammed évacué, quelque chose de lui s’était à jamais inscrit en nous, qu’il resterait à lire et à traduire. Chacun pouvait donc s’en aller : je me suis remis à siffloter.

 Trump Macron Hand shake

Dans le journal du lendemain, je découvrirais en première page la photo de Killer Donald et Baby Mac échangeant à Bruxelles une mâle poignée de mains. Les lippes inférieures des nouveaux chefs de clans sur les rives de l’Atlantique me paraîtraient étrangement proéminentes, leurs tronches prises de profil par les caméras. « Bien joué fiston, tu as gagné le droit d’entrée dans mon club de golf », signifierait celle, mordant sur la lèvre supérieure, du boss artiste en deals. « Ne te prends pas pour le patron », rétorquerait la mâchoire saillant à la yankee du kid rebelle. J’apercevrais derrière eux la gueule hilare d’expert au faîte du pouvoir ayant conservé sa juvénilité d’étudiant fraîchement diplômé, voire de communiant, du Secrétaire général de l’OTAN. Masque métamorphosé quand il s’agit de passer aux affaires sérieuses : l’augmentation des budgets militaires. Chacun serait parfait dans son rôle consistant à faire mine de prendre ses distances en se faisant prier pour « rassurer ses partenaires », à donner en échange des gages de soumission bravache et à harmoniser ces positions. Pour ces gens-là, quelques milliards de Mohammed existent moins qu’un sucre dans leur café après le festin au siège flambant neuf de l’OTAN. Si le fantôme de Mohammed leur était apparu, il eût représenté l’image qui justifie leur coalition : la menace, terrifiante et planétaire, de l’humanité !

Anatole ATLAS, le 1er juin 2017

Voir le texte complémentaire :  Diagnostic d'un agnostique

 Football sur une plage du Maroc

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