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 île de Kiji
Capture d'image du film  Hymne pour une ville sans fleuve

Méditation finale de Lénine

Le rideau s’ouvre sur la place Rouge où je retrouve mon rôle de gisant. Je me laisse bercer l’âme et embuer les yeux par la romance de Moscou, dans le brouhaha d’un jour s’évanouissant comme une nuit à New York. Nul ne médite mieux que les morts. Je m’y suis exercé pendant un siècle. Cela m’a permis d’explorer des régions de l’esprit que je n’osais aborder de mon vivant. Comme ces voix émises depuis une île de l’Atlantique, face au mont de l’Atlas, me faisant écho par le truchement d’un Atlante. J’ai suivi jadis les pérégrinations de ce bougre en Union soviétique. Avec son parler russe imprégné d’accent balte pouvant le faire passer pour un étudiant de l’université de Tartu (célèbre pour son école de sémiotique), il s’était embarqué sur la Neva dans une croisière interdite aux touristes. Nul ne pouvait imaginer son origine belge quand il devisait avec Sacha, qui deviendrait le personnage du Chamane dans son premier roman. Leur périple se poursuivrait jusqu’au monastère de Kiji sur le lac Onega. Cette initiation contribuerait à faire de lui le Scribe illégitime qu’il est devenu. Là se découvrirait la coulisse d’un arrière-décor au théâtre du monde. On l’y mena sur les traces de son grand-père, cet aède grec ayant écrit les Carmina Sovietica, proche de Richard Sorge au Japon durant la guerre. Ce fut un pèlerinage. Sorge ne transmit-il pas à Moscou des informations décisives pour la bataille de Stalingrad ? L’Atlante a sans doute hérité de son grand-père un goût pour les fables supposées relater des événements réels, où la distance est faible entre mondes naturel et surnaturel. Ainsi lui apprit-on l’existence d’une Atlantide russe, qui serait reliée à cette île de Kiji sur le lac Onega. Selon la légende, un prince russe aurait été tué par les Mongols dans la défense de sa ville sur la Volga. Cette cité de Kitej fut sauvée par une intervention divine qui l’engloutit au fond d’un lac. L’Atlante fit la même expérience que son grand-père : il put entendre chants et cloches de Kitej résonner encore dans les bulbes de l’église en bois de Kiji. Car, selon nos légendes, par fleuves et lacs s’écoule un sang sacré reliant les sources à l’océan. Du même fluide universel relève le murmure s’écoulant de mes lèvres : prolongement de vie accordé, selon nos mythes antérieurs au christianisme, aux êtres morts prématurément. C’est bien mon corps charnel qui fut transporté par les airs en troïka de New York à Moscou dans un voyage n’ayant pas manqué d’agréments physiques, mais c’est un autre corps qui m’apporte le souffle nécessaire à poursuivre cette méditation posthume, et c’est encore un troisième corps, d’une extrême subtilité, qui m’assure la présente béatitude. S’il existait un instrument d’optique apte à capter l’image de mon corps astral, on le verrait couché tel celui d’un fakir, en équilibre sur la pointe supérieure de l’étoile rouge à cinq branches, au sommet de la tour Spasskaïa. Septante mètres en surplomb de la place Rouge, j’avoue me sentir dans la peau d’un acteur de cinéma. Les invités de Tiffany ont feint de se livrer à la dramaturgie d’un festin sacrificiel en obéissant à la mise en scène d’un réalisateur inconnu. Postures de nababs, grimaces médiatiques : autant de rôles sur un plateau reliant les deux rives de l’Atlantique. New York New York ! Me perce toujours les oreilles ce vieil air de Broadway, dans une comédie musicale qui dérangeait mon sommeil il y a plus d’un demi-siècle. Imagine-t-on une East Side Story dont les comédiens, jeunes et beaux représentants des quartiers louches, clameraient Moskva Moskva ? Toute la différence entre deux mondes est dans le rapport entre un pur jeu d’apparences extérieures séduisantes, et l’essence intérieure occultée. Nous perdons notre être en perdant l’essentielle intériorité de l’âme, au profit de cette extériorité privée de sens qui est leur marque de fabrique.  Si New York impose l’idéologie d’une existence vouée à l’explosion des sens, qu’en est-il des Moscow-boys du show, du crime et de la finance ? Redevenu gisant, j’écoute mourir en moi les échos d’un rêve plus doux que les cauchemars passant pour la réalité des vivants. Le champagne à la vodka trinqué chez Tiffany m’a détendu les nerfs. La pantomime sur scène d’Anna Karénine, flanquée de Joe Biden et de Bernard Arnault, n’aurait pas plus déplu à Tolstoï que la complicité d’Eugène Onéguine et du prince Mychkine à Pouchkine et Dostoïevski. Retour à Moscou, je me devais d’élucider la nuit passée à New York pour donner enfin sens à toutes les nuits ; je veux dire, cette longue nuit qui traîne depuis cent ans.

Je médite en haut de murs écarlates surplombés par coupoles d’églises et tours pointues rehaussées d’étoiles et d’aigles à deux têtes, ces emblèmes de la plus grande forteresse médiévale du monde, me demandant en quel nouveau Moyen-âge l’espèce humaine se trouve embarquée. Afin de me changer les idées, j’ai résolu d’abandonner ma dépouille pour m’éclipser vers la station de métro. La dialectique n’est-elle pas une pensée qui naît du sous-sol pour bondir par-dessus les clochers ? Sous terre, où d’autres pays vivent un enfer, la centaine de peuples constituant le nôtre a son paradis. Moscou, cité de Dieu bâtie voici mille ans, trouve son reflet souterrain dans les douze stations de la ligne circulaire : autant d’entrées dans un autre monde. Sous cette voûte céleste aux colonnes et mosaïques de marbre et de granit, je me surprends à croire en la volonté divine de protéger la Sainte Russie. Contemplant pourpre et or, arcades et  lustres de ce palais dont les murs associent soldats de l’Armée rouge et saints orthodoxes, où se brasse une foule venue de tous les horizons sur plus de vingt millions de kilomètres carrés, je me repens soudain d’avoir gaspillé jadis tant d’énergie à écrire un inutile Matérialisme et empiriocriticisme.

Mais si je renie le dogme matérialiste, j’ai conservé foi dans l’Histoire.  Comment déplorer la fin de l’Union soviétique et se priver de la boussole que constitue toujours L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme ? Illisible était l’analyse élaborée par Moscou pour justifier l’attaque de l’Ukraine, dès lors que l’on imputait la cause de tous nos malheurs à son autonomie conquise voici cent ans grâce aux Soviets. Ceux qui logent au Kremlin n’ont pas voulu comprendre les raisons pour lesquelles il était impératif d’accorder un statut d’autonomie à la Petite-Russie. J’évoquais les humiliations subies sous le joug du chauvinisme grand-russe, lesquelles justifiaient une telle mesure sous peine d’outrager l’idée même des Soviets. Mais il y avait une raison plus profonde. En lecteur de Hegel, je voyais la nécessité de considérer la singularité des nations, leurs individualités étatiques. Et je n’ignorais pas que la guerre était le moyen d’accès du peuple à son destin. Cet accès fut à ce point acquis par peuples et ethnies ayant composé l’URSS, qu’aucun d’eux ne revendiqua son indépendance, mais que celle-ci devint une exigence de toutes les nations aux confins de la Russie dès que tomba la bannière écarlate frappée de la faucille et du marteau. Car l’étoile rouge fut porteuse d’une puissance d’attraction symbolique lui attirant une sympathie universelle. C’est elle qui rendit possible Stalingrad. L’issue de la guerre dépendit du fait que le Japon ne déclenchât pas les hostilités sur le front oriental des armées soviétiques. Cette certitude fut donnée au Kremlin depuis Tokyo par l’agent communiste allemand Richard Sorge, ce qui permit à Moscou de transférer ses divisions blindées de Sibérie vers le centre de la Russie. Membre du Komintern depuis 1925, Sorge appartenait (comme l’aède grec dont on finira par savoir qu’il fut le grand-père du Scribe illégitime), à cette galaxie de l’autre siècle animée par une mystique révolutionnaire. La domination mondiale du capital ne fut jamais réellement menacée que par un adversaire : l’Internationale communiste, créée en 1919.  Zinoviev en fut le premier président, remplacé par Nikolaï Boukharine en 1926. Il n’existait alors aucun foyer de vigilance intellectuelle contre le nazisme, à l’exception de ce qui rayonnait autour du Komintern. Ce qui explique son puissant magnétisme sur artistes et écrivains majeurs, de nos jours vitupérés par un personnel médiatique ayant fonction de propager des brouillards hallucinogènes. Un regard occidental sur l’histoire du XXe siècle fait perdre de vue le fait qu’il y a cent ans, une fois écrasé le mouvement spartakiste allemand, tous les espoirs se tournaient vers l’Orient. Un déplacement du centre de gravité de la révolution mondiale faisait de Shangaï le foyer d’un nouveau messianisme appelant la Chine à prendre la relève. Ignorer cette réalité condamne à ne rien comprendre au XXe siècle. Toute l’actuelle situation géopolitique planétaire découle de la décision du Kremlin de transférer son effort principal vers l’Asie, afin d’y former les cadres d’une révolution chinoise à venir. Shangaï est alors un centre nerveux d’activités financières, industrielles et militaires sous obédience occidentale, où grâce à l’aide clandestine de Moscou naît l’embryon du Parti communiste chinois. C’est là qu’opérait déjà le futur premier ministre Chou En Laï ; que Mao Zedong fit ses premières armes. Avec pour pivot le Kremlin, ce basculement voici cent ans du centre de gravité révolutionnaire mondial de l’Occident vers l’Orient se comparera peut-être dans cent ans avec celui qui se produit de nos jours du Nord vers le Sud. Il faut élargir la focale à une vision globale pour constater que les tendances africaine et latino-américaine à refuser l’ordre impérial de Washington est peut-être le fait historique majeur des temps actuels. Qu’en est-il des « valeurs » démocratiques occidentales, examinées avec le recul dans l’espace et le temps qu’autorise une méditation prolongée pendant un siècle ? Tous les humains sont réputés titulaires de droits et obligations. Ce qu’emphatise l’expression sujet de droit. D’emblée, il n’échappe à personne qu’une telle affirmation s’accompagne de quelque chose comme son ombre, sous forme d’un corollaire implicite : seul peut se targuer de cultiver pareille valeur le citoyen occidental. Une frontière invisible sépare ainsi l’Europe civilisée (celle qui succède à l’empire de Charlemagne), de sa part orientale slave et barbare, dont se sont détachés les Etats respectables comme la Pologne ou les pays Baltes sous tutelle de l’OTAN. Nul n’ignorait ce schéma bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Il était à ce point connu que, si la volonté occidentale avait été d’éviter l’effusion de sang, sa diplomatie aurait tout fait pour ne pas tuer les accords de Minsk. Leur sabotage délibéré laisse entendre que les ravages militaires sont nécessaires pour creuser la frontière entre ces mondes ontologiquement incompatibles. A l’Ouest, les sujets libres ; à l’Est, les Russes. Il est impératif que ceux-ci demeurent l’ombre négative de ceux-là, pour que s’impose l’idée d’une instance destinée à gouverner le globe. Si mes yeux mortels sont clos depuis cent ans, jamais ne fut si grand ouvert le Troisième Œil, celui qui voit combien l’art de simuler la défense de l’intérêt général et du bien commun, des droits de l’homme et de la démocratie, requiert une expertise dans la dissimulation des liens entre vertus publiques et vices privés, polices de l’ombre et réseaux du crime organisé. Ces gigantesques tentatives d’éradication des séditions populaires que furent les deux guerres mondiales permirent au Docteur Mabuse de déployer son génie des deux côtés de l’Atlantique : au projet nazi d’Etat total répond en miroir celui, néolibéral, de capital universel. L’Etat d’exception prôné par Carl Schmitt, le juriste de Hitler, s’accorde à l’idée centrale de Friedrich Hayek, fondateur en 1947 de la secte du Mont-Pèlerin, pour qui Wall Street connaît mieux que quiconque ce qui est bon pour tous. Kapitotal Is Good For You. Nazisme et néolibéralisme durent leurs triomphes à des techniques de propagation de l’ignorance permettant de soumettre un troupeau d’esclaves aux ordres du Moloch. Le Maître (1 % des populations) ne possède un patrimoine supérieur à celui de l’Esclave (99 %), qu’à la condition de disposer d’un fouet doué d’attributs dont Machiavel faisait les apanages du Prince : Force et Ruse. L’art de l’attelage exige un contrôle absolu des différents éléments qui dirigent l’Animal-machine, mais son guidage est désormais psychique : on le tient en bride par des clics. Il « ne peut avoir d’autre choix que de s’adapter à ce qui lui apparaît comme les forces aveugles du processus social et d’obéir aux ordres d’un dessein supérieur » (Friedrich Hayek).

L’industrie cinématographique américaine eut une importance cruciale pour inventer ces formes séduisantes aux fonctions d’endoctrinement des foules qui étaient celles du cinéma nazi. Le créateur de James Bond n’a jamais caché avoir trouvé son modèle en la personne de Richard Sorge. Caméras, projecteurs, perches de prise de son. Je suis prêt à tenir mon rôle pour affronter James Bond en combat singulier. Si la majorité du peuple ukrainien ne voulait plus du knout russe, elle n’était pas prête à subir les férules de Wall Gone, Hollystreet et Pentawood. Il y a trop de conscience historique chez des anciens soviétiques, pour tolérer un destin d’esclavage. Jamais ces populations n’auraient accepté privatisations et destruction des protections sociales, sans les manœuvres occultes qui décidèrent de son destin bien avant que les bombes ne pleuvent ; bien avant la place Maïdan ; bien avant que le Kremlin ne réagisse par les armes au dépeçage de la Russie programmé déjà voici plus de trente ans.

C’est au domaine de chasse de Viskouli, dans la forêt biélorusse de Belovejsk près de la frontière polonaise (où les conspirateurs auraient pu s’enfuir au cas où Gorbatchev les aurait fait arrêter pour haute trahison), le dimanche 8 décembre 1991, que l’ours Michka fut renversé. Ce jour-là Boris Eltsine et Guennadi Bourboulis au nom de la Russie, Stanislav Chouchkevitch et Viatcheslav Kebitch au nom de la Biélorussie, Leonid Kravtchouk et Vitold Fokine au nom de l’Ukraine, signèrent un accord scellant la fin de l’URSS. Leurs services furent grassement payés. Depuis, le modèle occidental s’est imposé comme un dogme orthodoxe. Après la signature par Gorbatchev, quelques jours plus tard, de l’acte de dissolution de l’URSS, Eltsine se rend à Washington pour toucher sa prime, et contresigne avec ses maîtres une déclaration sur la fin de la guerre froide. Principal effet : la paupérisation accélérée des populations. Seul remède selon les médicastres de Wall Street ayant reçu pleins pouvoirs au Kremlin pour soigner les fièvres du peuple russe : dévaluer la force de travail, gagner en compétitivité sur le marché mondial grâce au moindre coût des produits. Cette recette supposait une concentration des richesses entre les mains d’une minorité cupide, se voulant elle aussi concurrentielle sur le marché de l’élite mercantile internationale. Mais la plus grande stupéfaction fut pour moi le prestige des grandes marques occidentales. Mercedes dernier modèle : unité de base de la locomotion moscovite. Costumes griffés Dior à trente mille dollars. Montres à dix fois ce prix. Shopping à Londres, soirées à Monte Carlo. Il apparut que le matérialisme étayait parfaitement la religion du marché capitaliste. Le tour de passe-passe ? Doper d’une plus-value faussement qualitative un processus de production purement quantitatif, par injection dans chaque marchandise d’un ersatz de la transcendance divine coagulée en marque. Soit, la théorie du fétichisme exposée par Marx à l’entrée de son Capital. Si je n’ai plus d’entrailles, ce qui les remplace n’en est pas moins rongé par une angoisse qui me tenaille depuis cent ans. Quant à mon cœur, une main secourable en a pitié, qui tient serré ce fantôme entre ses doigts comme dans un nid de plumes. Main à plumes et à plume. Le souvenir me revient du seul homme de lettres m’ayant tenu tête sur des bases communes. Mon aîné de deux ans était déjà célèbre pour les récits tirés de ses errances par toute la Russie, quand nous nous sommes rencontrés en 1903. Adhérent au parti bolchevik, il fut arrêté puis exilé. J’admirais ses pamphlets contre le tsar et l’emprunt russe, sans admettre son idéalisme spiritualiste. En octobre 1917, il publia dans Novaïa Jisn des Pensées inopportunes m’accusant de plonger la Russie dans une guerre civile barbare. Quel autre moyen de neutraliser ce trublion que de le chasser du pays ? Il y reviendra dix ans plus tard, avant la prise de pouvoir par Staline. Et finira glorifié en héros, sa ville natale rebaptisée à son nom jusqu’en l’année 1991. Maxime Gorki demeure unique dans la description d’un monde rural, fluvial et urbain spécifiquement russe dont il n’occulte aucune laideur, stupidité, méchanceté, cruauté, sans omettre que bêtise et méchanceté sont traversées par des lueurs de grâce, dans un constant va-et-vient entre les pôles extrêmes d’une humanité souffrante. Il suffirait de le lire pour que s’éclaire le champ de bataille en Ukraine. Gorki peut nous montrer une brute criminelle tombant à genoux devant une icône et se mettant à pleurer : « Pardon, Seigneur, d’avoir péché ! ». Les plus odieux comportements sont sublimés par une certitude, celle de l’impossibilité d’acquérir des richesses en n’offensant pas les hommes et Dieu. Cet axiome traverse notre littérature, et servit de base à la ferveur collective sans laquelle il n’y aurait pas eu de Révolution d’Octobre. Les experts de Washington ont étudié ces caractéristiques et savent comment en user au gré d’une stratégie impériale visant à la vassalisation du globe. L’appartenance à la rus’ (populations vivant sur l’espace correspondant à la Russie d’Europe, à l’Ukraine et au Belarus) concernait trois millions de personnes il y a mille ans. L’Europe comptait dix fois plus d’habitants, soit quelque 30 millions : chiffre atteint par la Russie au XVIIIe siècle, après ses extensions vers l’Est et le Caucase. Populations décuplées en deux siècles, atteignant près de 300 millions à la fin de l’ère soviétique, malgré les saignées provoquées par guerres et purges. Après un sévère passage à tabac subi par le peuple russe depuis trente ans, les statisticiens américains tablent sur une population ramenée à 100 millions d’ici 2050. Ce qui corrobore l’évidente intention colonisatrice du monde occidental à l’égard d’un territoire vu comme arriéré, peuplé d’une race inférieure vouée à la condition d’esclave, de l’empire romain au Reich allemand en passant par les chevaliers teutoniques et l’empire napoléonien, jusqu’aux visées contemporaines formulées par Brzezinski, lorsqu’il préconisait un charcutage de l’Ours russe à la découpe dans une logique de boucherie. Celui qui fonda la Commission Trilatérale avec David Rockefeller voici tout juste un demi-siècle, pour conjurer les menaces de la Tricontinentale prônée par Che Guevara, théorisa la nécessité de mettre hors d’état de nuire les « intellectuels subversifs » à l’Université comme dans médias et services publics, afin de garantir la perpétuation du système capitaliste. Il doit à son origine polonaise un même complexe de slave honteux de ses origines et soucieux de vendre ses services à l’Occident que Zelenski. La gauche officielle, s’abstenant de toute analyse depuis cinquante ans, peut être considérée comme responsable de l’actuelle situation en Ukraine. Ainsi la stratégie visant à démanteler l’Union soviétique puis la Russie, dans l’objectif de terrasser la Chine, devait-elle tactiquement s’appuyer sur ce point faible de l’Ours russe qu’est son flanc ouest, limitrophe de l’Europe. D’où l’offensive de l’OTAN lancée en 2014 contre le Donbass.

La question révolutionnaire serait-elle d’abord une question littéraire ? Cent ans de solitude… Jamais un tel titre n’aura mieux convenu qu’à la situation qui fut la mienne dans un mausolée pendant près d’un siècle. J’ai rappelé que l’aède grec ayant été le grand-père du Scribe illégitime qui conçoit la présente mise en scène, fit partie du Komintern. Ce poète accordait autant d’importance à Homère qu’à Socrate, à l’Evangéliste Jean qu’à Marx ; il participait d’un tourbillon faisant voltiger ensemble Maïakovski, langage Zaoum de Khlebnikov et illuminisme d’Essenine. Il a laissé des traces que recueillerait plus tard son petit-fils en Belgique, et je lui dois de longues nuits d’insomnie tant il a bousculé mes convictions d’alors. Les souvenirs à son propos sont tellement incroyables qu’il me paraît indispensable d’en ranimer quelques bribes à destination de l’avenir. Ce jeune poète grec logeait alors à l’hôtel Lux, transformé en appartements collectifs pour les membres du Komintern. Nous discutions au long du boulevard Tverskoï, mangions une glace au coin de la rue Nikitskaïa (une Plombir pour lui, pour moi un Eskimo), passions devant la maison de Gogol, tournions dans la Vojdvichenskaïa d’où nous apparaissait la Porte de la Trinité. Un peu avant le Kremlin, la rue tourne à droite : Mokhovaïa oulitsa. Le bâtiment à l’angle était le siège du Komintern. Les gardes à l’entrée lui demandaient toujours son propousk, même en m’ayant vu l’accompagner, puis nous nous séparions. Je lui adressais un clin d’œil et souriais dans ma barbiche en devinant que l’ascenseur était en panne, qui devait le conduire au quatrième étage où l’on vérifiait à nouveau son document. Formule magique russe. On ne va nulle part sans propousk. Encore moins pouvait-on accéder à l’Otdel Mejdounarodnykh Sviazy. Département pour liaisons internationales. Quartier général de l’OMS. Nulle existence officielle. Pour plaisanter les initiés disaient « Cinquième étage », alors que le siège n’en avait que quatre. C’était depuis 1919 le cœur du mouvement communiste mondial. Il ne faisait de doute pour personne que cette citadelle s’effondrerait si le mouvement ne s’étendait pas à l’Europe et à l’Extrême-Orient. La Chine serait donc décisive. Mais aussi l’Allemagne. Bain de sang orchestré par la social-démocratie. Le prolétariat allemand ferait clairement son choix.

Son objectif politique et historique le plus ambitieux : Mercedes. Près d’un million d’heures ont depuis sonné à l’horloge de la tour Spasskaïa.  Le temps se traîne. Laisse couler goutte à goutte les secondes. Il doit y en avoir eu plusieurs milliards depuis ma mort. Cent fois moins que le compte en dollars des actuels maîtres du monde. Avons-nous fait tout ça pour rien ? Je feins de reposer, paupières closes, ne perdant pas une bribe des silences bavards depuis plus de trente mille jours. La place Rouge est une scène immense, l’extension théâtrale de mon rêve spectral. « Un spectre hante l’Europe » : quel roman eut-il jamais plus puissant incipit ?

Couché en équilibre sur la pointe de l’étoile rouge, tout me revient. Ma langue discrètement lèche le souvenir de la glace Eskimo qui a coulé dans ma barbiche. Le travail des ouvriers de la Parole depuis l’aube des temps se caractérisa pour eux par Valeur presque nulle et utilité infinie, écrivait ce poète grec. Il affirmait la question de la Valeur fondamentale, si l’on ne voulait pas trahir Marx. Et il se revendiquait des premiers mots de l’Evangile de Jean pour poser la Parole comme essentielle. Je crois voir son spectre à la fenêtre du « Cinquième étage », brandissant en direction du Kremlin son cornet de Plombir, torche éclairant ces temps plombés. Mais qui lit encore ses Carmina Sovietica, rédigés en partie dans une île grecque transformée en camp de la mort, où l’Union Jack remplaça le svastika après la seconde guerre ; pour une autre partie, dans l’île de Kiji sur le lac Onega ? Qui veut entendre en ses mots résonner les cloches de l’Atlantide russe de Kitej, aux bulbes du monastère de Kiji ? Ce qui lui permit d’explorer les nouvelles avant-gardes européennes. Et de montrer l’influence d’Hemingway sur l’existentialisme comme sur le situationnisme. Il est vrai que l’on peut douter de son existence, tant il fut employé de zèle à effacer son nom des mémoires. Les sbires de Staline, comme les officialités culturelles bourgeoises, ont gommé du paysage un barde venu du pays d’Homère qui se prétendait en exil depuis la guerre de Troie. Son errance millénaire lui avait fait parcourir nos steppes en constatant qu’à la fin de l’Odyssée, Ulysse ne reste pas à Ithaque auprès de sa famille retrouvée, mais s’élance dans un nouveau périple dont il affirme avec humour qu’il ne prendra fin, selon une prédiction du devin Tirésias, qu’après l’accomplissement d’un voyage en des terres où l’on ne connaît pas le sel : soit ces régions barbares peuplées par les Scythes. Selon l’aède grec, Homère fit donc découvrir à Ulysse les steppes russes.

A cette nouvelle, du carillon de la tour Spasskaïa montent les notes qui sont toujours celles de l’hymne soviétique, m’envahissant du souvenir d’un temps où l’heure sonnée par cette horloge était mondiale référence.

Près d’un million d’heures ont donc retenti au carillon depuis ma mort. D’une Atlantide à l’autre je me laisse bercer sur le fleuve du temps. Milliards de secondes. Cent fois moins que le compte en dollars de ceux qui se prétendent les propriétaires du globe. Lesquels disposent de tous les moyens médiatiques pour apparaître comme des philanthropes, ayant fomenté la quarantaine de guerres dont ils tirent actuellement profit sur la planète. Liées les unes aux autres comme les mailles d’un invisible filet. De la Palestine à l’Afghanistan, de l’Iraq au Congo, du Sahel au Yémen, de la Libye à la Syrie, de la Yougoslavie à l’Ukraine, tous ces conflits et bien d’autres ont une cause : l’impérialisme. Qui entreprend de détruire la Russie et l’Iran pour atteindre son principal objectif : la Chine. Qui n’a jamais oublié les guerres de l’opium dirigées contre elle au XIXe siècle par ce même impérialisme, et qui put accomplir sa révolution de 1949 grâce à l’aide stratégique fournie par l’URSS voici déjà près de cent ans.  Concomitantes sont les créations de la République populaire de Chine et de l’Alliance atlantique, laquelle tend à se déplacer vers le Pacifique. Il s’en faut à nouveau d’un regard global pour constater que les manœuvres de l’OTAN sur le flanc oriental de l’Europe correspondent aux desseins du IIIe Reich, dont le Führer considérait que les frontières se situaient sur une ligne entre cent cinquante et trois cents kilomètres à l’est de l’Oural. Hitler, nouveau César, vit l’Allemagne en héritière de l’empire romain : « Le désert russe, nous le peuplerons. Nous lui enlèverons son caractère de steppe asiatique, nous l’européaniserons. Dans ce but nous tracerons des routes vers l’extrême sud de la Crimée et le Caucase. Elles seront parsemées de villes allemandes où nos colons s’installeront. Le Reich fournira des fermes complètement équipées. Dans vingt ans, l’Ukraine sera devenue un foyer pour vingt millions de nouveaux habitants. Nous avons un devoir : germaniser ces terres par l’immigration et considérer les indigènes comme des Peaux-Rouges. Le Reich fournira bientôt du blé d’Ukraine à toute l’Europe ainsi que du bois, du charbon et de l’acier.» Also sprache der Führer le 27 juillet 1941 dans son QG temporaire du Werwolf – Loup-garou – en Ukraine. Ses diatribes inspirées, recueillies par Martin Bormann sous le titre Libres propos sur la guerre et la paix, peuvent être entendues comme une préfiguration de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, donc de la future Union européenne.

Avons-nous fait tout ça pour rien ? Je feins de reposer, paupières closes, ne perdant pas une bribe des silences bavards depuis plus de trente mille jours. La place Rouge est une vaste scène, l’extension théâtrale d’un rêve spectral. « Un spectre hante l’Europe » : y eut-il jamais meilleur incipit ?

Karl Marx reprend à Shakespeare l’image du spectre, qui s’en est aussi venu rôder en Russie. Le drame d’Hamlet est qu’il ne sait pas quoi faire. Ce manque de savoir quoi faire m’a fait écrire Que Faire. Titre que j’ai repris au roman de Tchernychevski, dernier représentant des publicistes qui, depuis Bielinski, se vouaient à l’analyse des relations entre la société russe et sa littérature, mettant en évidence un personnage récurrent qu’ils appelèrent « Hamlet de province »,  parce qu’il ne savait pas quoi faire. Nous avons cru pouvoir assener des réponses en occultant les questions posées par l’artiste ou l’intellectuel critique, toujours ouvertes à ce jour. Si le capitalisme ne prospère que grâce à la guerre, ses victimes engagées dans un processus inverse peuvent créer une alternative à Oncle Sam. A condition de réarmer la pensée, comme y invitent les meilleurs penseurs.

L’hypothèse communiste postule une triple exigence esthétique, éthique, politique. Le soviétisme y répondit mal, même s’il maintint un semblant de cohérence morale hérité du christianisme et de l’humanisme laïque. Aussi les multiples chapelles du gauchisme firent-elles bon ménage avec les diverses tendances de la social-démocratie libérale pour condamner l’Etat soviétique en son principe, identifié au stalinisme. Pendant qu’une idéologie libertaire prêchait le vice comme idéal émancipateur, l’austère vertu puritaine était brandie par l’extrême-droite. Stratégie de la tenaille qui fut aussi bien mise en œuvre après l’anéantissement de l’URSS. D’une main, l’Oncle Sam puisa dans l’ancien trésor soviétique et vida les caisses de la nouvelle Russie ; de l’autre, il offrit un secours charitable en proposant une « aide humanitaire » destinée à mieux phagocyter l’ancien adversaire de la guerre froide. C’est aussi la main sur le cœur qu’Oncle Sam avait promis à Gorbatchev que l’OTAN ne s’élargirait pas à l’Est, en échange de la réunification allemande. Et ce sont toujours des mains généreuses qui saupoudrent l’Ukraine d’ONG américaines, sans craindre d’avouer : « Nous voulons une Russie faible et une Ukraine forte ». En somme, Oncle Sam convia l’Ours russe à faire partie de son cirque en lui promettant un statut de vedette américaine dans son show planétaire, à condition qu’il abandonne toute souveraineté dans son immense tanière. Etrangement mes lèvres, encore imprégnées du sucre de la crème, ont un goût de sel. Suis-je en train de pleurer ? Larmes de momie. Cette marque n’a pas encore été lancée sur le marché. Cela viendra. Ne pas laisser paraître un sourire aux caméras de leurs drones sur mon masque de cire. Je n’ai cessé de revivre tout ce temps les commémorations d’Octobre. Tribunes édifiées sur la place Rouge, déploiement des banderoles. Me parviennent les braillements des haut-parleurs, les discours, les chants. Gigantesques colonnes humaines passant à mes pieds. Mais quelque chose d’autre défile aussi devant mes yeux clos. Foules soumises aux gangs mafieux, ravagées par l’alcool, dépossédées de leur culture, folles de détresse et de misère. J’entends la statue de Pouchkine, sur la place à son nom, lancer un vers prémonitoire qui traduit leur déréliction :

Et, à travers les barreaux, on excite la bête

Chaque instant me jette hors du temps comme le fleuve sibérien dont j’ai pris le nom dans une autre vie : Lena. Où s’est jeté le fleuve soviétique ? Au cours de la décennie qui a suivi ma mort, j’ai vu se transformer en sinistres pantalonnades les activités du Komintern. Une pièce de théâtre s’est jouée au Kremlin, dont le dramaturge ignorait sans doute que, des procès de Moscou à la Kolyma, les hommes en noir conduits dans des voitures noires et mangeant du caviar noir lors de leurs vacances à la mer Noire, feraient perdre à cette place Rouge le sens de son nom. Peut-on savoir la vérité profonde contenue dans l’exclamation de Maxime Gorki pour « des héros dont l’énergie suscite l’admiration de nos ennemis » ? J’ai tant vécu, tant parlé, tant pensé, tant écrit que je ne sais plus quoi dire de ce que la mort m’a permis de voir et d’entendre au cours du siècle écoulé. Mes idées s’enfuient vers les nuages, et quand elles reviennent à mon corps ce sont les mots qui n’y sont plus. Si ce n’est ceux de Gorki, cet alter ego dont l’œuvre fut vouée à décrire le drame douloureux de deux principes en lutte : l’animal et le divin. La bête cherche à satisfaire des exigences insatiables, qui l’asservissent toujours davantage à mesure que l’ange est soumis à son joug. D’un côté les forces de l’instinct, de l’autre l’oiseau de l’âme aux ailes coupées. Qui veut entendre son chant ? Je lorgne vers le Kremlin comme si mon personnage historique allait me saluer à la fenêtre, mais c’est sous la terre que j’entends surgir une voix :

Viens ! Viens !
Le cercueil ! Le cercueil !

L’humour de l’autre qui parle en moi fait retentir ces cris venant de la cave d’un bouge, près de la tour Soukharev à Moscou. Cette scène des bas-fonds se déroule au cours des années 1880. Le chœur des ivrognes se livre à une liturgie blasphématoire. Poussant des hurlements obscènes, agitant en guise d’encensoir une casserole d’où s’échappe de la fumée, ils enterrent vivant un compagnon de beuverie. Surgit une femme nue :
« elle allait et dansait, son corps flasque tressautait ; ses seins tombaient sur un ventre aux plis gras couvrant les jambes marquées de cicatrices, d’ulcères et de varices. Glapissant des horreurs, elle fut couchée sur le trépassé qui se débattait en vain, et elle entreprit de le masturber… ». L’auteur du récit se jette-t-il sur ces déchets humains pour les frapper ? « Le soir je me retrouvai sur le talus du chemin de fer ; le sang suintait de mes doigts brisés, l’enflure fermait mon œil gauche. Du ciel tombait une pluie d’automne ; j’arrachai une touffe d’herbe et, m’essuyant la figure, j’eus envie de pleurer comme sous le coup d’un outrage amer. Je cherchais à communier avec cette beauté de la vie dont les livres portent la séduisante empreinte ; je voulais admirer quelque chose qui m’élevât. Je trouvais outrageant de rencontrer tant de spectacles pitoyables, ayant toujours devant les yeux cet amas d’ignominie lubrique où l’on voulait ensevelir un homme. Le pus d’une imagination malade empoisonnait les sources mystérieusement belles de la vie. » Qu’en était-il aujourd’hui ? Lirait-on Gorki de nos jours, n’y trouverait-on pas l’antidote à bien des pathologies germées du « pourrissement dans le marais gluant de mesquineries imbéciles » ? Seule pareille lucidité permet de voir « jaillir les étincelles de ce bonheur : l’homme se révélant homme ». La galerie de portraits brossés par celui qui a traversé toutes les strates humaines sans disposer du passe-droit fourni par la naissance dans une classe privilégiée, fourmille de tableaux que l’on ne trouve guère chez les littérateurs huppés. Ce jeune Socrate ressemblant à l’icône du Sauveur, dont la capote usée cache l’arrière du pantalon déchiré, qui saupoudre ses tartines d’épaisses couches de quinine et voit en la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel une œuvre humoristique : « étendu sur un divan que nous appelions l’arête du Caucase, il se tapait les genoux avec le livre en riant aux larmes ». Aperçoit-on de telles scènes chez Marcel Proust ? Ce que les écrivains russes apportent à la littérature, c’est une respiration. L’oxygène de l’âme. Une substance quintessentielle presque disparue, captée par des moyens surnaturels grâce à la surnature où ils ont vécu. Quelque chose comme une archéo-anthropologie de l’humanité nous est légué, dans un tourbillon de contradictions qu’ils ont affrontées au péril de leur vie. Face à Maxime Gorki, l’écrivain occidental devrait plaider coupable. Racontant son enfance, il nous transporte souvent aux premiers âges de notre propre histoire. A l’origine, il y a eu pour lui l’immense Volga : « Tout est empreint de lenteur ; la nature et les hommes vivent lourdement, paresseusement, mais, derrière la paresse, semble tapie une force énorme, inconsciente de ses propres désirs et de ses propres buts ».

Sa grand-mère est décrite en personnage légendaire : « Assise au bord du lit, tout enveloppée de ses cheveux noirs, énorme et hirsute, elle ressemblait à l’ourse qu’un bûcheron barbu de la forêt de Sergatch avait naguère amenée dans la cour ». L’oncle Iakov « pinçait doucement les cordes et l’air qu’il jouait vous enivrait. Cette musique exigeait un silence parfait. Tel un ruisseau rapide, elle semblait accourir de très loin et sourdre à travers le plancher et les murs. Elle troublait les cœurs et faisait naître un sentiment inexplicable de tristesse et d’inquiétude. En l’écoutant, on avait pitié des autres et de soi-même ». L’extrême des sens exacerbe toujours l’extrême du sens : « Les talons tambourinaient sur le plancher. Dans l’armoire, la vaisselle tintait. Tsyganok tourbillonnait telle une flamme ou planait comme un milan. Ses bras étendus ressemblaient à des ailes et on voyait à peine ses jambes se déplacer. Soudain, il s’accroupissait en poussant un grand cri et tournoyait comme un martinet doré. Sa blouse éclatante illuminait tout autour de lui et la soie qui frémissait et ruisselait semblait de l’or en fusion. Tsyganok dansait infatigablement, oubliant tout. Si on avait ouvert la porte, il serait parti en dansant par les rues, par la ville, Dieu sait où… ». Quant à la grand-mère, du même œil qu’elle s’adresse à la Vierge des icônes comme à une « Mère toute-puissante », elle voit sous la lune « un diable à tête cornue galoper sur le toit, grand et velu, remuant la queue d’un air espiègle », ou se précipiter « une troïka de chevaux noirs dirigés par un diable à bonnet rouge, tenant à bras tendus des chaînes en guise de rênes ». Ainsi les divinités religieuses font-elles bon ménage avec les personnages des contes et la Sainte Vierge parcourt-elle la terre pour connaître les misères humaines, exhortant à la pitié la princesse Iengalytcheva, chef des brigands. Gorki montre comment, au voisinage familier des saints, démons de la forêt, nymphes aquatiques et esprits des morts peuplaient la vie du moujik. Fantasmagories incrustées dans une culture populaire archaïque, riche d’enseignements anthropologiques, dont notre dogmatisme empêchait de voir l’importance pour l’humanité. La Révolution d’Octobre 1917 releva-t-elle peut-être d’une sorcellerie ? Dans certaines traditions, les magiciens ne trouvaient pas le repos avant le centième anniversaire de leur décès. Serais-je pris en flagrant délit de commerce avec les esprits, si les caméras satellitaires de l’OTAN me filmaient allongé sur cette étoile rouge au sommet de la tour Spasskaïa ?

*

Je n’ai jamais quitté l’habitacle de verre d’un mausolée sur la place Rouge au pied du Kremlin. Pure fiction que mon voyage en troïka tirée par des chevaux ailés vers New York en compagnie d’Anna Karénine, du prince Mychkine et d’Eugène Onéguine. Pure élucubration que le festin sacrificiel autour d’une marmite où mijotait Donald Trump chez Tiffany. De même, ne pouvait être tenue pour véridique cette opération Global Viewpoint visant à perturber le système financier mondial. A moins que n’aient produit des effets réels mes messages réceptionnés par le truand Prigogine, qui lui firent lancer une brutale contre-offensive en Russie. Le chef de la milice des mercenaires aurait alors en quelque sorte avoué sa complicité avec le camp occidental en tentant ce coup de force contre Moscou. C’est à vous, Vladimir Vladimirovitch, qu’il appartiendra de démêler la part que ces méditations purent avoir dans le déroulement des affaires en cours, puisqu’elles s’adressaient à vous. Comme approche l’heure de conclure, laissez-moi vous suggérer qu’aurait pu être moins naïve votre rébellion légitime contre un marxisme-léninisme sclérosé. Vous avez cru pouvoir y trouver une réponse dans l’idéologie libérale. Réceptif aux attraits du marché capitaliste, vous avez été séduit par les mirages de l’Etat bourgeois, refusant de voir le caractère mystificateur du Léviathan. Lequel postule un pouvoir garant de l’intérêt général. Cette vision de l’Etat impartial cache le fait qu’il est l’émanation d’une classe tyrannique, même si des normes juridiques plus ou moins équitables réussissent à s’imposer dans un cadre national. Vous avez donc pu croire que ces principes s’imposeraient à l’échelle internationale. Or ils ne sont même pas appliqués en Russie, rongée par l’iniquité. Mais, fermant les yeux sur les évidentes injustices d’un système corrompu à l’intérieur, vous avez entretenu l’illusion d’une égalité dans les rapports entre nations. Comme si l’Oncle Sam allait équitablement partager avec vous les profits d’une hégémonie planétaire exercée par l’hémisphère nord ! Son plan fut d’égarer l’Ours russe dans un jeu de glaces. Or la Russie est un miroir grossissant. Business, politique et divertissement, caricaturés par vos oligarques, excitèrent l’hypocrisie de l’establishment occidental. Celui-ci eut beau jeu de se refaire une image vertueuse face à l’image hideuse renvoyée par les Berezovski, Khodorkovski, Rybolovlev et autre Abramovitch. En sorte que plus rien n’est lisible hors les anamorphoses du miroir, tout obéissant aux lois d’une confusion médiatique savamment entretenue. N’aurait-il pas été de bonne guerre de réactiver une pensée dialectique ? Sans quoi les forces de l’histoire qui engendrent l’horreur, intrinsèques au capitalisme, ne réitèrent-elles pas une abomination pire ?

La Quatrième Guerre Mondiale produit sans discontinuer carnages et ravages depuis la fin de la Troisième, qui élimina l’Union soviétique. Elle ne fut jamais plus franchement déclarée que par ces quatre mots de François Mitterrand : « Les armes vont parler ». C’était juste avant de pulvériser une première fois l’Iraq en 1991. Tel est mon point de vue depuis ce mausolée. Selon une constante progression géométrique, après dix puis cent millions de morts, cette guerre vise à l’extermination d’un milliard de bipèdes, au nom des droits de l’homme et du libéralisme démocratique. Elle prend des formes aussi bien militaires que sanitaires, humanitaires que financières. Ne nions pas avoir perdu la guerre froide. Rien ne peut se comprendre du gigantesque champ de bataille qui ne m’a guère laissé fermer l’œil depuis cent ans, si l’on oublie que les Etats-Unis d’Amérique surgirent tel un Deus ex Machina de ces guerres mondiales. Et la Russie soviétique y fut, en quelque sorte, le Diabolus ex Machina. Mais l’aède grec et son petit-fils éclairèrent un autre aspect de ces farces tragiques : les festivités dans leurs coulisses. Ils ont documenté d’un œil critique l’existence de riches gaspilleurs oisifs dont la principale activité consistait à lutter contre l’ennui. Cet arrière-fond de la guerre prit forme d’avant-garde : on a négligé la dimension guerrière de ce qui se tramait dans les tripots de la fiesta. Ce fut d’abord un style de vie promu par des aventuriers gravitant autour des armées américaines grâce à la supériorité du dollar. Cette nébuleuse acquit célébrité par des reportages dont était friand le public d’outre-Atlantique. Ayant élu Paris, capitale mythique de la littérature, et goûtant aux joies de la côte d’Azur comme terrains de jeux exotiques, ces jeunes baroudeurs ambitieux s’y forgèrent une réputation sous le label de la génération perdue. Dans leur sillage fut lancée la mode existentialiste. Un siècle plus tard, cette idéologie suinte par chaque pore du marché mondial ainsi que la respiration d’une société sans autre inspiration que celle nécessaire au capitalisme de la séduction. Si le monde entier sait qu’Oncle Sam est le principal responsable de la guerre en Ukraine et de quarante autres conflits mondiaux, son projet de faire du Kremlin la capitale d’un Disneyland universel, inconsciemment pressenti, suscite fort peu d’objections chez les intellectuels occidentaux. Cette méditation ressemble à un récit fabulé. Chaque étape de souvenirs, s’écartant en apparence de la situation d’il y a cent ans, m’en rapproche essentiellement. Notion prohibée entre toutes : essence. Le mot (si l’on excepte ses multiples usages commerciaux) ne peut être prononcé que sous forme condamnatoire. D’où vient-il qu’un primat de l’existence fut principal dogme du XXe siècle ? Pourquoi ce règne de l’existentialisme ?

Porté à son paroxysme par un situationnisme, selon le Scribe illégitime. Il en va pour celui-ci, sur les traces de son grand-père, de la nécessité d’analyser le noyau de l’idéologie dominante à l’échelle planétaire. Que ce noyau soit profondément caché sous les phénomènes apparents ne fait qu’accroître l’urgence à détecter les racines du soft power d’Oncle Sam. Ainsi, tentons de voir comment et pourquoi le totalitarisme du capital a su promotionner l’image du rebelle en s’enrobant de prestiges libertaires. L’Occident, de longue date accoutumé aux relations conflictuelles entre instances temporelles et spirituelles, a généré l’intellectuel critique. Voici tout juste un quart de millénaire – le 20 août 1773 – Diderot, censuré par Louis XV qui bloque la publication de son Encyclopédie, s’embarque en diligence à La Haye vers sa possible délivrance. Quelle autre destination que la Russie ? Catherine II l’accueille à bras ouverts à Saint-Pétersbourg où elle se propose de l’éditer. Puis elle achète sa bibliothèque, tout en lui permettant d’en disposer à vie. Le prix d’une maison. A quoi s’ajoute une rente annuelle correspondant à un salaire moyen actuel. La Tsarine révèle une liberté d’esprit sans égale chez tous les souverains d’Europe. Catherine discute avec Denis qui dans sa fougue vocifère, tape du poing sur la table ou de sa main claque la cuisse impériale pour faire valoir ses idées de réforme sociale. Elle y adhère mais pas touche à l’absolutisme ! Car l’autorité du Tsar, contrairement à celle des empereurs d’Occident, se prévaut d’un pouvoir suprême à la fois temporel et spirituel. Il y a du pontife dans le despotisme d’Ivan le Terrible et de Pierre le Grand. D’où le principe de son infaillibilité. Dont on aimerait perpétuer la légende, héritée des Romanov autant que de Staline. Je n’ai pas joué ce jeu-là. Ce pourquoi mon ultime intervention publique mérite l’attention. Voici ce que je disais à l’Assemblée du Soviet de Moscou, le 20 novembre 1922 : « Nous devrons nous organiser de manière telle que les communistes aient en mains les appareils auxquels ils sont attachés, et non pas que ce soit l’appareil qui les tienne en mains. Inutile de taire nos péchés, il faut dire franchement : voilà quelles difficultés nous attendent. Il faut cesser de considérer le socialisme comme une icône peinte avec des couleurs éclatantes. Il faut que tout soit vérifié pour que la population dise : Oui, c’est mieux que l’ancien régime. Transformer la réalité pour que la majorité des travailleurs en convienne : Sans forfanterie, les résultats sont tels que personne de sensé ne peut souhaiter un retour aux tsars». Durant la même période se déploient en Occident d’autres fastes. A côté d’inventions littéraires et artistiques explosives, surgit une race nouvelle de charognards impatients de jouir d’un cimetière débordant de cadavres.

 Diderot et Catherine II

L’Europe fut d’une certaine manière découverte au XXe siècle par ces conquistadores, héritiers des migrations parties vers l’Amérique depuis des siècles. Faire fortune en Eden avait été l’objectif des traversées de l’Atlantique ; il en allait de même dans l’autre sens. Les bonnes fortunes cherchées par ces revenants dans le cadre des guerres mondiales étaient économiques et politiques, mais d’abord idéologiques : ils importaient en Europe l’idée de la liberté propre à Oncle Sam. Ce qui changea la face du monde occidental, donc modifia la physionomie du globe. On ne rend pas assez grâce à Hemingway d’avoir été le champion de cette aventure. La vision de l’Amérique sur ces peuplades archaïques serait celle d’une avant-garde qui électriserait le Vieux continent. Le regard d’Hemingway sur l’Italie, la France et l’Espagne inaugure celui des satellites artificiels : chaque instant se déclenche une caméra d’une prodigieuse précision descriptive. Avec, en prime, un concentré de l’idéologie contemporaine. L’intellectuel critique occidental sera progressivement remplacé par son ersatz, qui fomentera dans l’ombre des révolutions sociétales occultant les enjeux réels du rapport social capitaliste. C’est aux travaux du Scribe illégitime que je me réfère ici sommairement. Lesté de l’héritage de son grand-père, il crut bon d’avertir du danger ses amis soviétiques tout au long des années Brejnev et Andropov, sans en recevoir l’écho nécessaire. Ce qu’il expliciterait dans brochures et romans pendant quarante ans, serait l’officialisation publicitaire des simulacres de la révolution, rendue possible par l’extinction de son contenu réel. Selon lui, sensationnisme et situationnisme seraient les formes exacerbées de l’existentialisme – ce postulat d’un monde sans transcendance, une fois décrétée l’abolition de toute essence. L’hédonisme consumériste servirait de religion planétaire, dont la communion se distribuerait sous les espèces d’une sous-culture vidéo-sonore électronique rythmée par d’hypnotiques transes robotiques. L’expression d’Hemingway Paris est une fête, au bar du Ritz en 1950, peut être considérée comme le premier manifeste situationniste. Mais il concerne des créations de situations vécues déjà trente ans plus tôt. Les conditions où elle est prononcée sont les mêmes : des colonies d’artistes américains riches en dollars occupent un pays dont le franc a été dévalué par la guerre. Tel est le contexte réel du mythe Saint Germain des Prés, dont l’histoire est encore à écrire. Qu’en est-il alors du match qui se jouait dans les années 20 à Paris entre écrivains russes et américains ? Significatif est le propos fielleux d’Hemingway concernant Dostoïevski, crachat d’ivrogne éructé à la Closerie des Lilas : « un écrivain écrivant incroyablement mal, n’ayant presque jamais employé le mot juste ». A quoi son interlocuteur, Scott Fitzgerald, lui répond : « Dostoïevski est un merdeux. Hem, il n’est à l’aise qu’avec des merdeux et des saints ». Les scènes de Paris est une fête ont un siècle. Leur théâtre s’étend à la Côte d’Azur, dont ces colons américains contribuent à la création du mythe. On y trouve le couple formé par Scott Fitzgerald et Zelda, qui confie à Hemingway : « Ernest, pensez-vous pas qu’Al Jolson est plus grand que Jésus ? ». Ce furent les premiers mots de l’existentialisme. A quoi Heidegger accorderait des lettres de noblesse philosophiques dans sa Profession de foi en Adolf Hitler, affirmant en 1933 : « La révolution national-socialiste apporte le bouleversement total de notre existence. » Seuls importent le vécu à l’état brut et l’existence concrète expurgée de considérations métaphysiques. Tout sens est contenu dans les sens, hors toute forme d’essence. Un pragmatisme absolu meut le personnage en qui se projette Hemingway, dans son processus d’autodestruction par l’alcool. Car la morale est nihiliste et suicidaire : pas d’issue. Dans l’immédiat des plaisirs éphémères, jouons à vivre dangereusement. Les mêmes quartiers parisiens des années 50 verraient l’éclosion nocturne du lettrisme puis du situationnisme. Le Scribe illégitime a montré comment Guy Debord poursuivrait cette aventure nihiliste, elle aussi suicidaire, qui culminerait dans la parodie révolutionnaire de Mai 68. Le général de Gaulle ne s’est pas remis de cette mascarade carnavalesque étayée par l’ouvrage La Société du spectacle, puissante charge théorique dirigée contre le communisme et l’Union soviétique au nom même des Soviets. Un ciel d’orage plane au-dessus des murailles du Kremlin, promises par Oncle Sam à d’autres sorcelleries que celles évoquées par Gorki. Cette méditation vous parviendra-t-elle, Vladimir Vladimirovitch ? Y verrez-vous de quoi nourrir une réflexion sur les soubassements idéologiques d’un empire occidental à l’égard duquel vos oligarques ont manifesté une fascination mimétique ? N’est-ce pas suprême ironie de l’histoire, si l’on considère que le néocapitalisme issu de Mai 68 a déployé ses sortilèges au départ d’avant-gardes pathologiquement obsédées par Octobre 1917 ? A travers mes paupières, j’entends la neige tomber en plein été sous les soleils d’un autre siècle. Musique dans le lointain. Quelque orchestre de violons, tambours et balalaïkas. Une montagne de cadavres s’amoncelle sur ma poitrine. Il faut que tu te lèves, murmurent en chœur leurs voix. Gagne la tribune derrière le mausolée. Invite-toi parmi les officiels. Sois à leurs côtés. Quand viendra le prochain sommet de dirigeants africains, dis-leur qu’à la révolution française de la liberté et à la révolution russe de l’égalité, succèdera bientôt la révolution congolaise de la fraternité !...

L’appel des esprits africains fait retentir les cloches de Russie, d’Ukraine et de Biélorussie jusqu’au monastère de la laure des grottes de Kiev, dont Zelensky voudrait expulser les moines. Ceux-ci veillent depuis mille ans sur une Parole sans Valeur ayant vocation de reliance entre les vivants et les morts mais aussi entre passé et futur, Occident et Orient, Nord et Sud. Les cadavres sur ma poitrine dialoguent avec ces moines comme avec les esprits des fleuves russes et africains. J’écoute leurs voix tel un voyageur immobile entendant sonner des cloches lointaines. Révèle notre message aux dirigeants, m’intiment ces voix. Relie terre et ciel, esprit et matière, nature et culture. Esclaves d’une soif servile de domination, ceux qui se prétendent les propriétaires du globe usurpent le pouvoir pour coloniser toujours plus corps et âmes. Contre eux s’éveillent des peuples exploités qui refusent l’insulte contenue dans le nom même de leurs pays : Niger, Nigéria. Leurs énergies spirituelles se rassemblent en un vaste projet qui portera le nom d’Union Historique des Utopies pour une République Universelle. UHURU. Ce qui signifie liberté en swahili. Le grondement de lave actuel de l’Afrique de l’Ouest à la Corne orientale en passant par le Sahel, et du Cap Bon de Tunisie jusqu’au Cap de Bonne Espérance, préfigure une éruption comparable à celles de 1789 et 1917. Avec une puissance démultipliée par la négation de l’humanité des êtres à peau noire depuis la malédiction biblique contre l’ancêtre Cham. C’est sur leurs cadavres que furent bâtis les empires occidentaux, cadavres qui oppressent toujours ta poitrine de momie. Si les monarchies du Golfe ont fait proliférer pour l’Occident des bandes armées de tueurs et de pillards chargées de semer la terreur pour justifier l’occupation militaire, l’appel des esprits se fera entendre : UHURU ! La plus prestigieuse université de Moscou retrouvera le nom de Patrice Lumumba qui fut retiré par Eltsine sur ordre d’Oncle Sam en 1992. L’Afrique va sortir le monde libéral du labyrinthe aux miroirs et lui apprendre ce que signifie liberté : UHURU ! L’Afrique entière logera dans la tour du Sauveur – sens de Spasskaïa – comme dans la cathédrale de la Dormition qui se fête le 15 août, puis elle s’envolera dans une troïka tirée par des chevaux ailés pour se réunir sur l’île de Kiji, d’où s’entendront les cloches de l’Atlantide russe de Kitej. Entre vie et mort, jour et nuit, rêve et réalité, je ferme à jamais les yeux.

V.I. Lénine
Le 15 août 2023, fête de la Dormition

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