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Quatrième invitation à l'Axiome de la Sphère

Feu Sacré

Qui destine la flèche enflammée de son arc-lyre au futur, ne rencontre que peu de vivants prêts à éprouver les brûlures d’une telle hypothèse. L’innumérable foule des préposés aux messageries officielles se ligue plutôt en coteries garantissant les avantages d’un confortable entresoi. L’écriture est une aventure à risques trop insensés pour qui n’entend pas la voix des morts, leur préférant un cimetière de haute sécurité…

Dans un monde où la principale tâche mentale consiste à distinguer ce qui est fun, cool et sympa de ce qui ne l’est pas, Killer Donald est bien la sommité proclamée par ses tweets ; un Baby Mac ne suscite aucune hilarité lorsqu’il enjoint à ses ministres de faire preuve d’humanité pour mater la révolte des gueux. J’étais aux premières loges pour, en présence des Badinter aux rênes d’une carriole de saltimbanques tirée par Mitterrand réincarné en âne savant, savourer leurs facéties dans un palais mauresque où jonglaient leaders d’Israël et d’Arabie Saoudite. C’était au pied du mont Ararat. Et si l’histoire humaine y fut mise en question dans l’espace et le temps depuis Noé, c’est la 5e dimension du rêve et de la mémoire qui devait recueillir en outre, dans une vision globale accordant prééminence au personnage biblique de Cham, les témoignages exclusifs d’Adam, d’Eve et de Jésus-Christ figurant sur un triptyque de Jérôme Bosch baptisé Le Jardin des Délices

Depuis cinquante siècles je chemine oublié du monde, guidé par mon troisième œil, et j’offrirais de bonne grâce un million de ces jours pour le voyage unique dans un tableau vieux de cinq siècles ayant élucidé les secrets des cinq dernières décennies. Sans doute ce livre suscitera-t-il des réactions d’hostilité dans les milieux de la culture dominante, où règnent imposture et médiocrité. Car à toutes les époques ils sont les mêmes, ceux qui accumulent titres et prix, médailles et honneurs…

Vitrines, estrades, stands, podiums, tribunes, plateaux et plateformes pour shows sont leurs viviers naturels. Une rumeur confuse en émane à l’adresse de l’auteur d’Axiome de la Sphère :
— Hé ! Ho ! Stoppe un peu ton vieux disque, il est rayé ! Toujours les mêmes refrains. Tu pourrais pas trouver une autre rengaine ?
— La Sphère n’est pas un disque. C’est une boule de feu.
— Pauvre taré ! Tes vieilles histoires, elles nous gonflent.
— Dans mon premier roman, Trump s’appelait déjà Bubble Gum.
— On a eu longtemps pour toi de l’indulgence mais ravale ton disque, ta sphère ou ta boule, et laisse-nous mastiquer ce qui est à notre goût.
— Gérer, ingérer, digérer…
— Pour qui ça se prend ?
— Pour un Exote mythographe. Mais pourquoi, si tout est affaire de tube digestif, ressemblez-vous à des momies dans leurs sarcophages ?
— Il met en question la Pyramide !
— Vous avez expulsé par portes et fenêtres ce qui faisait l’âme d’une civilisation. Le foyer central est éteint. Sur les braises mortes s’entasse un amas de cendres. Or le feu sacré ne meurt pas. Cette énergie divine, jetée comme un rebut, s’est rassemblée dans le ciel en une foudre qui s’engouffre par la cheminée, soufflant la cendre morte en fumées dont tous les étages de la Pyramide s’intoxiquent.

 Sphère de feu sacré

— Il prétend nous donner des leçons !
— Simple exercice de psychosynthèse.
— On dirait que ce cerveau malade abuse de substances psychotropes.
— Le propre des drogues est de produire un état mental à l’intérieur duquel il n’est pas d’autre issue que de se droguer.
— Comme si nous avions besoin de son diagnostic !
— Cette circularité vicieuse définit toutes les religions.
— Vraiment le monde à l’envers !
— C’est le point de vue de Marx, qui élargit la question religieuse aux idéologies en général, donc au fétichisme de la marchandise.
— Il ne va pas nous empêcher de consommer ce qui nous plaît ?
— Le consumérisme est bien cette addiction qui entretient le manque, à mesure même de l’illusion d’une satisfaction sans cesse différée.
— Nous serions dans le manque ?
— Plutôt le vide propre aux emballages ayant perdu toute substance. Un contenant sans contenu. Le règne des signifiants sans signifié.
— Croit-il que son charabia signifie quelque chose ?
— Au vôtre j’oppose un autre système de signes.
— Et bien sûr, il a seul raison contre tous !
— On n’est jamais seul quand on entend la voix des morts.

C’est ainsi qu’intervient comme être doué de Parole, dans l’ouvrage où s’achève mon pèlerinage de cinq millénaires, le crâne du plus vieil homo sapiens – daté de 300.000 ans – découvert sur un haut massif de l’Atlas. Le feu sacré qui l’anime ferait s’éveiller les momies dans leurs sarcophages au sommet de la Pyramide, si elles accordaient créance à l’Axiome de la Sphère

Du point de vue de ce crâne extralucide, les cerveaux contemporains subissent des expériences en laboratoire qui les réduiraient en bouillie, ce dont témoigneraient les symptômes Killer Donald et Baby Mac…

— Il y a des remèdes pour ceux qui prétendent entendre des voix !
— Cette crise de surproduction permanente qu’est la guerre du marché ne fait nulle part plus de dégâts que dans l’industrie pharmaceutique. On y commercialise les gadgets avant de s’interroger sur leur usage.
— Il va nous vomir encore son couplet marxiste ?
— Telle est l’emprise mentale nécessaire à perpétuer une soumission de la valeur d’usage à la valeur d’échange, qu’elle exacerbe le désir d’une domination du travail mort sur le travail vivant. Les hurlements de celui-ci sont ceux du drogué réclamant sa dose. Grâce à quoi la force de travail paiera bientôt le capital pour avoir droit à un emploi, comme on paie déjà les banques pour y déposer son salaire. Il n’est pas impossible que, dans Axiome de la Sphère, l’auteur ait laissé parler en lui la voix de cet ancêtre vieux de 300 millénaires…

Car l’un des enjeux de la littérature actuelle est de montrer combien la substance des mots s’est désagrégée, sous l’effet de leur prolifération dans des zones échappant à toute réalité. Ce qui faisait jadis leur sens a été pompé dans de gigantesques citernes ayant pour finalité le profit des propriétaires de l’humanité, lesquels ne se privent pas d’y ajouter maints agents exhausteurs et colorants ; quant à la faible teneur en sens qui demeure, elle se compare au résidu de gazole encombré de limaille de plomb dans le réservoir d’une bagnole de pauvre en fin de mois. De sorte que toute étincelle de feu sacré s’avère dangereusement explosive, et que le commerce éditorial a soin d’en prohiber l’usage...

« Les armes vont parler » prononçait un occupant de l’Élysée voici 30 ans, pour justifier la destruction de ma Mésopotamie natale. Seules elles ont depuis droit de Parole comme il ne manque pas de le rappeler – sous la peau d’un bourricot – dans Axiome de la Sphère.

Gilgamesh – février 2020

 Une sphère de feu sacré

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