SPHÈRE CONVULSIVISTE
 
1. Shalom of Moloch
2. Message du
    septième étage
3. Eden Arabie
4. Feu Sacré
5. Les Jeux sinaïques
6. Ecce Homo
7. Mpodol
8. Le Parrain
9. Homo
    Bubble-Gumis
10. Mal d'Aurore
11. Le Diwan
12. Acéphalopolis
13. Frères
      en la Sphère
14. Angelus Novus
15. Lauda Jérusalem
16. Du Nil au Nihil

Le Génie du Totem
 
 Jacques De Decker

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 Walter Benjamin
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Quatorzième invitation à l'Axiome de la Sphère

Angelus Novus


Quelle vie tremble derrière la vie ?

Dans son dernier message, mon scribe oubliait de rappeler que le texte Frères en la Sphère – annexe de l’ouvrage où je suis son personnage – invite à une « Révolution congolaise de la Fraternité le 6 août 2045 ».

Son ami récemment décédé lui avait répondu qu’il aurait 100 ans ce jour marquant le centenaire d’Hiroshima, distant de la Révolution russe de l’Égalité d’une même tranche de temps que celle-ci l’était de la Révolution française de la Liberté. Ils s’y étaient donné rendez-vous mais le sort voulut que JDD n’attînt pas les trois quarts de siècle…

 Jacques De Decker

Culpabilité ? Remords ? Lors de leur ultime rencontre à Tervuren, mon scribe avait d’emblée revendiqué la conscience malheureuse théorisée par Hegel comme apanage de la culture occidentale, mise au rebut par le marché culturel du dernier demi-siècle. Il en résulte maintes pathologies mentales inédites, qui transforment les névroses en psychoses collectives, dont le globe manifeste mille symptômes depuis que l'Animal Farm de George Orwell est sous la coupe d'un Animalpharmagang gérant virus et vaccins. Alors mon scribe s’est souvenu de quelques chiffres : 0475 86 32 29.

Il a composé le numéro. Vinrent trois sonneries puis la voix du robot puis celle, fragile et juvénile, de l’ami disparu dans cet isthme entre vie et mort de quarante jours que la culture arabe nomme barzakh

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Un message était enregistré sur le répondeur, que je retranscris ici :

« Marx a la voix d’un prophète biblique pour dénoncer la perversion de l’argent, puissance aliénée de l’humanité. S’il en fait le concept et la manifestation de la Valeur, qui est la confusion de toutes les qualités naturelles et humaines, quelle notion serait-elle antagonique à la Valeur, ayant pour qualité propre de combattre cette confusion et d’instituer les qualités naturelles et humaines dans leur universelle singularité – sinon la Parole ? » Mon scribe fut enchanté du message, qu’il intègrerait à ses prochaines invitations à l’Axiome de la Sphère. Mais Jacques n’avait pas fini de parler. La Parole, sait-on quand ça s’arrête ? Pas après la dernière heure, pour qui s’y est à jamais voué…

« La Parole est l’essence nécessaire, incommensurable et infinie de l’humanité, qui a pour attribut contingent cet instrument de mesure du fini qu’est la Valeur. Le capitalisme est l’inversion de ces deux axes. L’immanence de la Valeur mime la transcendance de la Parole ; et la finitude des choses, aux critères quantitatifs, usurpe le caractère qualitatif de ce qui est propre aux êtres : l’infini. Les sujets sont des objets, les objets des sujets auxquels ils obéissent. Les moyens sont des fins, les fins des moyens : telle est la loi du Moloch. De sorte que cette valorisation sans fin de la Valeur, dans le sacrifice expiatoire qu’elle impose, ne va pas sans absolue dévalorisation de la Parole. »

Ces phrases posthumes, qui parmi les mortels pourrait-il en être assez digne pour les recueillir ? Elles sont un résumé du gigantesque Tabou contemporain (puisque ainsi JDD désignait mon scribe, lequel usait à son égard du sobriquet de Totem). Celui-ci tenait-il à ne pas démériter d’un tel titre, d’autant plus prestigieux qu’il était clandestin ?…

Une étincelle joint l’origine aux fins dernières, où l’éphémère et l’éternel fusionnent. Ce feu sacré tire les hommes vers leur avenir. »

J’ai vu le génie de l’usage caractériser l’espèce humaine à travers les siècles, même si toujours la subjuguèrent les sortilèges de l’échange. La Valeur s’impose aux usages – comme le travail mort du capital au travail vivant – dans la mesure où celui-ci est dépossédé de la Parole. Moloch est un automate qui obéit aux lois de la Valeur, dont les cycles sont plus puissants que tout le personnel humain chargé de la gérer. C’est ce dont il est question en Atlantide, où Jacques me narre cette anecdote avec mon scribe autour du narghilé, veillant à ce que j’en restitue la saveur d’outre-tombe au mot près. Sans doute ne se fait-il guère d’illusion quant à la réception de sa Parole. Mais, en homme de théâtre accompli, ne s’élance-t-il pas vers une sirène en djellaba ? « Shéhérazade invite à nous envoler vers le futur, puisque l’origine est son but. Ses yeux sont tournés en arrière sur les ruines de l’histoire. »

Un frémissement de l’onde annonce quelque surprise. La sirène s’est prêtée au jeu, marchant à reculons les yeux dirigés vers l’arrière…

« L’Ange de l’Histoire tel que le décrit celui que j’aimerais le plus rencontrer en Atlantide, qui fut mon plus extrême opposé dans la vie. J’ai retrouvé sa serviette noire disparue après sa mort à Port-Bou le 26 septembre 1940, où il décrivait l’Angelus Novus de Paul Klee. » Nous avons l’éternité pour narrer sa rencontre avec Walter Benjamin.

 Paul Klee – Angelus Novus

Gilgamesh – avril 2020

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