SPHÈRE CONVULSIVISTE
 
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1979

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Trump & tramp

Je n’ai jamais écrit que mon testament, lequel dilapide un héritage riche en reconnaissances de dettes. Ainsi voici tout juste 100 ans, le 23 janvier 1920, lors de la première matinée littéraire organisée par les fondateurs de la revue Littérature André Breton, Philippe Soupault et Louis Aragon, sous les vociférations suraiguës de Tristan Tzara, s’amorçait une émeute intellectuelle et spirituelle dont la culture occidentale ne se purgerait qu’au prix du double stratagème de l’occultation, puis de la récupération. Les surréalistes salueraient bientôt la rébellion contre l’impérialisme et le colonialisme engagée dans le Rif par Abd el Krim. Que dénonçaient-ils, sinon ce moteur à explosions qu’est un capitalisme faisant des peuples réduits en bouillie son carburant ? Dans le même temps, où donc était passée l’essence humaine ? La vieille Europe a-t-elle depuis jamais cessé de distiller d’épaisses fumées de confusion obscurcissant les consciences et saturant l’air du poison mortel de la guerre, agrémenté de déodorants pacifiques, humanistes et démocratiques ?...

Le sort de la planète n’était pas encore un enjeu médiatique planétaire quand naquit la dernière avant-garde littéraire de la modernité sous le nom de Sphère Convulsiviste, voici 40 ans. Tout être humain devrait être considéré comme un axe du monde portant le globe sur ses épaules et assurant une relation vivante entre terre et ciel : ce postulat convulsiviste, qui me fit adopter l’hétéronyme d’Atlas en 1979, était une conséquence logique de l’insurrection surréaliste fomentée un demi-siècle plus tôt…

 Sphère Convulsiviste

Cette axialité de l’être doué de Parole engage un mouvement centripète et centrifuge du verbe convulsif : mon intervention face à Jacques Lacan, dans un auditoire universitaire belge en 1972, resurgirait ainsi cinquante ans plus tard sous forme d’une réflexion consacrée à cet épisode par le philosophe chilien Rodrigo Gonzalez : Lacan y un situacionista

J’aurais à m’expliquer sur une telle dénomination lors de deux récentes conférences à Santiago et Valparaiso. Les pages qui suivent en font le récit, sous forme de visites aux trois domiciles de Pablo Neruda…
Le contenu de ces conférences – Destin stellaire de la Parole – conclura donc le présent manifeste.

Ce testament d’une existence passée de l’écriture par les actes à l’acte d’écriture, témoigne de la réalité vécue comme un rapport d’exploitation économique, de domination politique, d’aliénation idéologique. Dans un tel rapport, ma naissance et mon enfance au Congo belge détermineraient un point de vue de classe aux côtés de l’humanité soumise à des formes nouvelles de colonisation. Dès mon premier roman (1990), le personnage d’Atlas est un prolétaire travaillant sur le canal de Bruxelles, où sa transe poétique lui fait éclairer les manières sophistiquées dont la tyrannie financière se nourrit d’une fermentation des idéologies libertaires…

L’Internationale Situationniste fut créée en 1957, année de la publication aux Etats-Unis d’un brûlot qui y exercerait la plus forte influence après la Bible : Atlas Shrugged, d’Ayn Rand. Cet hymne libertarien pose Atlas en symbole des élites entravées par le prolétariat, secouant ses épaules pour se débarrasser d’un tel fardeau. Violemment anticommuniste, Ayn Rand alimenterait les fumisteries de l’école de Chicago, dont la première application pratique aurait pour maître d’œuvre Pinochet au Chili.

C’est en associant pareille démarche théorique à celle des situationnistes que j’ai réhabilité la figure mythique d’Atlas dans un cycle romanesque. S’il n’est d’autre combat réel que celui pour la liberté, l’histoire enseigne qu’il se confond avec une guerre contre ce que Luis Buñuel appelait le Fantôme de la Liberté. Libéralisme, libertinage et libertarisme en sont des apparats plus ou moins raffinés, masquant l’universelle servitude…

Quand les gouvernants ne simulent plus l’apparence d’une démocratie qu’au prix de la damnation du peuple s’avisant de contredire la race élue, l’art et la littérature – condamnés par les situationnistes – sont des lieux privilégiés pour dire que la faiblesse est le propre de l’homme ; le plus haut fanal de l’humanité ; l’étincelle au sommet du mât de l’humanisme. D’où la plus bestiale inhumanité réside en la loi du plus fort, principe du capitalisme. Et si l’on oppose les anywhere de l’élite mondialisée partout chez elle aux somewhere du peuple enraciné quelque part, qu’en est-il des nowhere englobant les humanités expropriées, déracinées, migrantes, exilées – dont le vagabond Charlot offrit la plus géniale illustration ?...

« I am a tramp » chantent les manifestants suivant son drapeau rouge au début de Modern Times. Car les ressources élémentaires de l’art, comme celles du pouvoir, sont l’espace et le temps. Mais l’art seul accède à la 5e dimension du rêve et de la mémoire. Ce principe fut l’axe d’un cycle de romans centrés sur un vieil aède grec, le grand-père d’Anatole Atlas.

 Charlot Flag

D’un monde où l’abîme a pris la place du ciel, que pense le porte-globe ? C’est au plus titanesque aède ayant illuminé le XXe siècle, dont la vie fut un exil enraciné, qu’est dédié Destin stellaire de la Parole… Monsieur Neftali Ricardo Reyes Basoalto (1904-1973) vécut sous plus d’une identité. Durant plusieurs années de clandestinité, traqué par ce qui ne s’appelait pas encore des escadrons de la mort, il eut pour nom de guerre Legaretta. Plus tard, passant illégalement d’Amérique du Sud en Europe, il emprunta le passeport diplomatique de son ami Miguel Angel Asturias. Mais il reste connu sous le nom de Pablo Neruda…

Les sorcelleries verbales de l’Orphée andin se mêlent à celles d’Aragon pour appuyer ce constat de Brecht : « L’idée selon laquelle un bourgeois n’est pas un truand repose sur l’autre idée fausse qu’un truand n’est pas un bourgeois » (Dreigroschenoper) ; confirmant le message de Chaplin, qui paraphrase Marx ayant vu dans la misère un corollaire de la richesse. Qu’un patron digne de ce nom gagne, en un jour ouvrable, davantage que la rémunération annuelle du salarié relève d’une logique exigeant fausse conscience, donc fabrique du consentement. Ce à quoi s’oppose la vision globale de l’aède, héritier du chaman archaïque, dont le chant transfigure les sources oubliées pour découvrir un rivage au-delà de l’horizon.

Puisse l’entière humanité partager le pain et le vin : cette quintessence du logos chrétien fut ravivée par l’humanisme renaissant, puis par l’idéal communiste – perspectives d’avenir viable aujourd’hui cadenassées par des verrous en trompe-l’œil. Je veux un monde sans exclus, clame Neruda. Christianisme et communisme furent discrédités pour leur culture de l’excommunication. Mais l’humanité fut-elle jamais excommuniée dans son immense majorité, comme sous l’évangile et les dogmes des robots ? La désintégration mentale en cours affuble une civilisation des traits qui lui sont conformes en la trogne d’un Trump, dont le suprême objectif de profit maximal s’identifie à une tuerie de la figure symbolique du tramp. C’est donc un vagabond déclaré qui mena son errance aux trois maisons de Pablo Neruda. Ses diagnostics eurent le cadre sublime de Valparaiso pour se prolonger dans un pronostic : Destin stellaire de la Parole

Comme à d’autres époques où la culture dominante fut en état de rigidité cadavérique, par une rupture des canaux vitaux reliant le bas au sommet de la pyramide, ne meurt jamais l’intuition d’un au-delà dans l’ici-bas…
Rendez-vous donc en janvier 2120.

Jean-Louis Lippert – janvier 2020

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