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L'Homélie d'Amélie

Ci-gît un prêtre fou qui tenta de bousculer l’Occident. Jour pour jour un siècle après l’insurrection berbère dirigée par Abd El Krim ayant instauré la république du Rif, plus tard écrasée sous les bombes de Pétain et de Franco, qui commémorera ce centenaire ? Pas d’autre épitaphe, alors que j’imagine mal parcourir toute cette corniche à trente mètres de hauteur en tenue liturgique sans vaciller. Peut-être suis-je éveillé. Peut-être que je rêve. Un pigeon sorti du vitrail plonge vers le ballet des limousines réglé par des escouades policières au milieu de la gangrène urbaine. Mince est la bordure, invisible des silhouettes au sol, qui épouse la façade gothique. Les dirigeants d’une société somnambulique fonçant dans le plus opaque brouillard vers son apothéose technologique en prohibant toute fâcheuse réflexion susceptible de réveiller ceux qui dorment et d’irriter les robots qui les guident : cette élite gravissant les marches de la cathédrale peut à bon droit régir les mœurs des agents de l’Etat. Jadis nous ministres du culte assumions cette fonction qui revient de nos jours aux agents publics : pensée me réveillant de ma propre hypnose, tandis qu’un pied devant l’autre je prononce depuis les airs l’homélie de ce Te Deum singulier, vu le sursaut brutal des puissances aquatiques auquel nul robot n’a trouvé parade. Qui m’a donné mission de célébrer cette messe en flottaison sur des ondes psychiques hors de portée des rats possédant la ville ? Peut-être le Totem. Je parle d’une figure qui la transfigurait dans sa défiguration même. Il nous divulguera donc ici l'Évangile des Chevaliers de la Table Sphérique héritiers des légendes celtiques au retour des Croisades. Merlin l’Enchanteur est entré dans la peau du Dragon pour cracher un feu dont s’embrasent les ailes de l’Archange auquel est voué cet oratoire millénaire. C’est Merlin que fait parler ici le Totem. Puisse mon homélie tirer vision de la cécité d’un devin. Toute ma psyché de curé s’avoue sous l’emprise du premier magicien de la littérature. Depuis cette vigie mon regard plonge vers l’église du Béguinage, où plusieurs centaines d’êtres coupables de ne pas disposer de papiers mènent une grève de la faim de la soif jusqu’à la mort. Ce qui n’empêche les beuveries et goinfreries de la plupart des ventres belges, dont un souverain ignorant tout du roi Arthur prend place au premier rang du sanctuaire. La menace d’expulsion brutale pesant sur un pourcentage obligé de travailleurs précaires d’origine étrangère n'est-elle pas un impératif économique en temps de crise ? Cent mille têtes, corvéables au tarif salarial du sous-monde, garantissent une dévalorisation générale de la force de travail indispensable à la croissance du chiffre d'affaires. Peuvent-elles deviner que leurs vies sont les billes d’un flipper dont les enjeux se calculent sur des ordinateurs ministériels ? Un humanisme auquel avaient leur part les traditions chrétienne et libérale - exhaussées dans le projet communiste - imprégnait la culture occidentale jusqu’au triomphe de la cybernétique. C’est frauduleusement que s’en réclament les duperies politiques échouant à masquer un psychocide complémentaire du biocide en cours. Il n’est plus d’autre vision globale que celle de gamins psychotiques, dont le surhumanisme astronautique a pour corollaire l’esclavage des damnés de la terre, de la mer et de l’Uberairbnb. À toute heure plongé dans sa mangeoire visuelle et sonore, ce bétail ignore en quelle saumure les eaux troubles du bocal ayant pour surface l’écran de poche conditionnent son cerveau tel un cornichon. Mon cri d’horreur se mêle à celui des gargouilles. N’était-il pas moins inhumain le sort des gueux sous Godefroy de Bouillon, dont la statue caracole près du palais royal ? D’autres couronnes patrouillent à cheval aux lieux stratégiques de la capitale, attestant que la domination du monde reste affaire de famille. Je me dois d’avancer avec précaution dans ce numéro de cirque vers lequel converge le tir croisé des caméras. Subsisterait-il une âme hors l’enclos des images et des mots frelatés régissant cette monarchie belgoricaine, puisse-t-elle transcrire mon homélie faite pour la joie d'une république belgorifaine le 21 juillet 2121 !...

 Te Deum

Ainsi, depuis bientôt deux siècles, toutes les tribus du royaume suspendent leurs querelles en ce jour fondateur de la nation pour communier autour de la famille royale dans cette cathédrale symbolisant la parfaite séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les confinements physiques nécessaires pour faire barrage aux fléaux de la nature ne seraient rien sans cloisons mentales tenant à l’écart les confessions hostiles à notre identité judéo-chrétienne, laquelle garantit une parfaite neutralité de l’Etat démocratique. De même l’urbanisation des sols favorisant les crues ne serait rien sans une bétonisation des âmes trop souvent inondées de complaisances néfastes à l’égard des croyances incultes, afin que triomphe un sacro-saint principe de laïcité dont témoigne le présent office. Car les ailes de l’Archange ne se transforment-elles pas en celles d’une chauve-souris porteuse de virus mortifères ? N’est-ce pas un vampire que Merlin nous fait apercevoir en ces hordes barbares assoiffées par le sang du Christ ? Ce corps divin n’est-il pas la proie d’une vermine ayant bien ruminé sa revanche depuis que Baudouin Ier fut sacré roi de Jérusalem ? Les éminences de notre social-démocratie libérale, selon le devin Merlin, ne manquent aucune occasion de rehausser le cortège des Saxe-Cobourg-Gotha dans ce lieu propice à la célébration d’une dynastie républicaine. Cette laïcité, partageons-la donc impartialement entre corps et sang du Christ afin qu’une telle neutralité soit agréable aux dieux des armées du marché. Que Coca-Cola nous soit secourable contre les chauves-souris infectées du poison d’Allah ! Les dieux sont conçus dans trop de larmes pour être encore tolérés par nos organismes qui réclament breuvages profanes et hosties distrayantes voire désopilantes. Aussi rejetons loin de nous le serpent qui se dissimule sous la coiffe des femmes corps et âmes éprises du faux prophète. Ne voudrait-il pas nous faire goûter au fruit de l’Arbre de l’Ignorance, nous faire mordre à pleines dents les moisissures de l’Arbre de Mort ? Je sens s’ouvrir le ciel, jetant un coup d’œil vers le bas. Le destin de la Belgique dépend-il d’une Ihsane Haouach, comme il y a soixante ans de Patrice Lumumba ? Si nos religions n’apportent plus consolation mais une angoisse dont la puanteur de cadavre fait préférer à la majorité des Belges, pour le salut des âmes, de s’en remettre à l’équipe nationale de football, à quoi bon poursuivre cette homélie ? Je ne me soucie ni des clameurs de la foule ni de l’effet produit sur majestés, altesses royales et robots dirigeant l’ordre somnambulique. À l’instant de l’envol, je compatis à la détresse d'éminences dont le smartphone fut piégé par un cheval volant narquoisement nommé Pegasus. L’œil d’Israël infiltré dans les prothèses de poche me taxera-t-il d’intention génocidaire, lui dont sont équipés les services présidentiels du Rwanda ? J’entends s’esclaffer le magicien Merlin, non sans reconnaître le rire du Totem. Il me signale qu’a pris place dans la nef, parmi les notables, une célébrité du pays. La baronne Amélie, rejetonne de l’une de ces lignées traversant les siècles depuis les Croisades, s’est vu confier la tâche d’honorer le blason clanique en littérature, avec l’écrasant succès propre aux races bien nées. Comment son prochain ouvrage (vendu 300.000 exemplaires avant d’être écrit) n’illustrerait-il pas la geste héroïque de son père au Congo, quand il s’agissait de mater une rébellion lumumbiste consécutive à la sécession katangaise, elle-même fomentée par les milieux de la finance au premier rang desquels ce vicomte ayant mérité son statut de Parrain de la Belgique ? Toutes réalités si étrangères à la mémoire officielle du pays, que pour les y inscrire, serait-il meilleure plume que celle de la baronne Amélie ?…

Tant de rêves mort-nés gisent sous l’asphalte gluant de Bruxelles que les miens trouveront agréable place en cette fosse commune. Pleinement rassuré sur la postérité littéraire d'une homélie signée par Amélie, je confie ma vie au pigeon du vitrail, dont l’exemple fait brusquement se précipiter le bas vers le haut dans une folle embardée du monde que j’embrasse à pleins yeux. Sous l’inspiration du Totem, à l’appel de Merlin, m’emportent vers l’éternité les plumes de l’Archange et le feu du Dragon.

Anatole Atlas, le 21 juillet 2021.

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